Le vide symbolique d’une nation

— Par Jean Claude Halley —

C’est un texte dense et puissamment structuré, dans la grande tradition des essais politico-philosophiques français. Jean-Marie Nol y tisse un diagnostic implacable : la France macronienne aurait sciemment renoncé à son récit national — non pas par oubli, mais par calcul. Et ce renoncement volontaire, devenu symptôme d’une recomposition silencieuse, s’étend jusqu’aux marges ultramarines, où il ravive les blessures coloniales et les fractures mémorielles.

On peut en tirer plusieurs axes d’analyse :

  1. La disparition du récit national comme stratégie politique
    Nol avance que Macron ne serait pas seulement victime d’une crise de sens, mais son architecte. À la place du vieux roman national (hérité de Michelet et Ferry), il impose une narration de la performance : celle de la start-up nation, fluide, mondialisée, « déterritorialisée ». En somme, une France sans mythe, mais avec des tableaux Excel.
  2. Le vide symbolique et ses effets sociaux
    Ce refus du récit partagé créerait un gouffre identitaire, où s’engouffrent défiance, populisme et nostalgie. Les « fractures françaises » deviennent fractures de sens : le pays n’a plus de boussole morale, seulement des indicateurs économiques.
  3. L’outre-mer, miroir grossissant de la crise
    Dans les Antilles-Guyane, où l’Histoire nationale s’est écrite à travers la domination, ce silence narratif prend une dimension existentielle. Déboulonner Colbert ou Schoelcher, c’est moins détruire que réclamer une parole nouvelle : un récit où l’on puisse enfin se reconnaître.
    L’auteur suggère que le procès des militants martiniquais n’est pas seulement judiciaire, mais symbolique : une tentative de Paris de reprendre la main sur le sens même de l’Histoire.
  4. La théorie du chaos appliquée à la République
    L’idée la plus redoutable du texte, presque machiavélique : Macron jouerait avec la crise pour la rendre féconde. Selon la logique de Jean Monnet — “les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité” —, il pousserait la société jusqu’à la rupture pour la forcer à muter. Une France sous électrochoc permanent, espérée plus résiliente, mais peut-être simplement épuisée.
  5. Les territoires ultramarins comme laboratoire du futur
    Le texte laisse entrevoir une issue : un rattachement institutionnel plus direct à l’Union européenne. Autrement dit, contourner Paris, et réécrire un récit transnational — entre Europe et Caraïbes — pour sortir du tête-à-tête colonial.

Sous son vernis d’analyse économique et institutionnelle, le texte de Nol cache une réflexion profondément humaniste : sans mémoire, sans légende commune, la République n’est plus qu’un logiciel sans âme.
Et comme il le résume avec une lucidité de vieux sage :

« Sans récit, il n’y a pas de peuple ; sans mémoire, il n’y a pas de nation. »