Le vélo, un patrimoine vivant 

— Par l’association Les Vélos Marin Martinique —

Chapitre numéro 1 

Ce texte est le premier volet d’un article en quatre parties. Ce n’est ni un simple plaidoyer, ni une dénonciation. C’est une tentative de compréhension, une analyse argumentée, mais aussi un appel à faire évoluer le rapport de force actuel. Le vélo, dans sa forme populaire, ne pourra avancer qu’à condition d’être pensé comme un bien commun, et reconnu dans sa dimension culturelle, sociale et immatérielle. Face à l’oubli ou à l’instrumentalisation dont il est souvent l’objet, nous plaidons pour une reconnaissance du vélo populaire comme faisant partie du Patrimoine Culturel Immatériel (PCI), au sens de l’UNESCO : un ensemble de savoirs, de gestes, de pratiques et de relations qui méritent d’être protégés, transmis et valorisés.

Le vélo n’est pas qu’un assemblage mécanique. Il n’est pas seulement un moyen de transport, ni un simple symbole de “mobilité douce”. Le vélo est une culture vivante. Un espace commun de savoir-faire et de savoir-être, de récits et de gestes transmis. Une manière d’habiter le monde, ancienne, mais toujours renouvelée.

Cette culture est fragile. Souvent invisible aux yeux de beaucoup. Pourtant, elle existe: vivante, utile, partagée. Mais elle est de moins en moins reconnue, ni par les autorités, ni par les institutions, ni même par une partie de la population. Ce n’est pas une simple absence de regard. Ce déclin n’est pas le fruit d’une simple évolution naturelle, mais bien le résultat d’un rapport de force.

Contrairement à la voiture, le vélo n’a jamais bénéficié d’une industrie culturelle puissante qui l’aurait doté d’un imaginaire collectif fort. La voiture, elle, s’est imposée comme un symbole de liberté, de puissance et de réussite, façonnée par des décennies de publicité, de cinéma et de politiques publiques. Le vélo, malgré sa simplicité ingénieuse et sa fertilité sociale, est resté perçu comme un outil modeste, presque banal, donc facilement marginalisé. Pourtant, il incarne une autre voie, celle de la sobriété, de l’autonomie et du lien social, du soin porté aux choses et aux lieux.

Tout ce que le vélo aurait pu inspirer en termes de formes de vie, d’organisation des villes, de lien social, n’a jamais été pleinement assumé ni porté. Des forces économiques et symboliques immenses, portées par l’automobile, ont modelé nos sociétés en rendant la place du vélo presque invisible. Le vélo populaire a été relégué au rang de résidu, comme s’il appartenait à un passé révolu. Explorer ce rapport de force mériterait un développement à part entière. Mais on peut l’affirmer ici, ce déséquilibre systémique étouffe et fragmente ce qui aurait pu être une relation féconde et organique entre nos sociétés et le vélo.

La voiture, elle, continue de faire largement consensus. Tandis que le vélo divise. Non parce qu’il serait conflictuel par nature, mais parce que ce qu’il porte dérange, un rapport au temps, à l’espace, au corps, aux autres, qui échappe aux logiques dominantes.

 Aujourd’hui, ce que l’on observe, c’est une pratique du vélo elle-même fracturée, selon les territoires, les classes sociales, les usages. Fracturée aussi symboliquement, autour d’un même objet, si fidèle, si essentiel, coexistent des visions souvent opposées. Cette division ne le sert pas. Elle l’affaiblit. Il est urgent de la penser, de la nommer, de l’interroger collectivement. Nombre d’organismes censés promouvoir le vélo participent à cette fragmentation. À force de le découper en segments d’usages (sportif, urbain, écologique, marchand, éducatif…), ils rendent toute approche globale confuse, voire impossible. Même la machine administrative, et l’agrégat toujours plus dense d’entités publiques ou subventionnées, semble aujourd’hui trop lourde, trop lointaine, trop insensible pour prendre en compte cette culture dans son ensemble. Il faut qu’émerge un rapport de force nouveau: sain, fertile, créatif. Non pour détruire ces structures, mais pour les réveiller. Pour les reconnecter à ce qui les dépasse, l’usage populaire, vivant, organique du vélo, ce qui en fait un patrimoine, bien plus qu’un simple objet.

Les Vélos Marin Martinique le 26/07/2025

À suivre… Prochain chapitre: «Une culture fragilisée par des dynamiques contemporaines: ce n’est plus le vélo qui libère, mais le mode de vie qui l’absorbe»

Publié parLES VELOS MARIN MARTINIQUE26 juillet 2025

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