Le tout du monde de Banksy en cent œuvres

— Par Christophe Deroubaix —

L’espace Drouot-Lafayette, à Paris, consacre une « exposition immersive » au pape du street art, toujours anonyme et toujours subversif.

Vous cherchez Banksy ? À vrai dire, tout le monde cherche Banksy. Retrouvez-le à l’espace Drouot-Lafayette, à Paris. Enfin, pas l’artiste directement, mais ses œuvres. Ce qui est l’essentiel. De Banksy, on sait qu’il est né à Bristol au milieu des années 1970, qu’il déploie des trésors d’inventivité pour préserver son anonymat, qu’il compte cinq millions d’abonnés sur sa page Instagram et qu’à l’instar d’Ernest Pignon-Ernest, il a choisi la rue – l’espace public par excellence – pour partager ses œuvres, empreintes d’une philosophie antisystème et d’une poésie libertaire. Bref, Banksy, ce sont ses œuvres qui en parlent le mieux. Une centaine d’entre elles sont présentées dans ce nouveau lieu dédié à l’art contemporain. Une bonne moitié, originales, provient de collections privées, tandis qu’on doit les autres fresques à des reconstitutions sur place par une dizaine de street artistes du monde entier. Titre de l’exposition : « Le monde de Banksy : une expérience immersive ».
Contester et déconstruire par l’absurde

Dans le monde de Banksy, il y a d’abord des rats, que l’artiste utilise fréquemment comme métaphore. La légende (il y en a foison le concernant) veut qu’il peignait des rats depuis trois ans lorsque quelqu’un lui a fait remarquer que le mot « rat » est une anagramme du mot « art ». Cela lui allait bien. À travers son art et les rats, il continuerait à pointer toutes les dérives de nos sociétés. L’exposition commence avec quelques pochoirs de rats, justement, plus humains que nature, finalement.

Dans le monde de Banksy, il y a une large place pour le Proche-Orient. Pour Bethléem, particulièrement, près du mur construit par le pouvoir israélien sur lequel l’artiste a dessiné des œuvres dénonçant l’occupation de la Palestine. Il y a ce soldat fouillé par une petite fille à la robe et aux nattes impeccables. Il y a cet âne – dont on jurerait qu’il a porté Marie, portant elle-même la vie de Jésus – dont l’identité est contrôlée par un soldat. Contester et déconstruire par l’absurde. Ou la poésie : il y a aussi cet homme, casquette à l’envers et foulard couvrant la bouche, qui jette… un bouquet de fleurs. L’exposition propose la reconstitution d’une chambre du Walled Off Hotel, de Bethléem. Non seulement Banksy a participé au financement de cet établissement, ouvert pour le centième anniversaire de la prise de contrôle de la Palestine par les Britanniques, mais il en a également conçu une partie de l’architecture et du décor. Chacune des chambres fait face au mur de séparation.

Dans le monde de Banksy, il y a aussi Paris. On se pose, avec une émotion intacte, devant la jeune femme éplorée, véritable madone, peinte sur la porte d’une sortie de secours du Bataclan, en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. On se sent gonflé d’espoir devant la Petite Fille recouvrant une croix gammée, un dessin réalisé en bordure du périphérique parisien près d’un ancien centre d’accueil de migrants.

On se délecte enfin de la reproduction de l’une des œuvres les plus célèbres du pape du street art : la Fille au ballon. Autant par la puissance de l’œuvre elle-même que par le souvenir du gigantesque pied de nez de l’auteur. En 2018, à peine adjugée à Londres pour 1,2 million d’euros, la toile s’était autodissoute : l’artiste avait caché une broyeuse dans son armature. Le monde de Banksy ne se vend pas…
Jusqu’au 29 septembre. À l’espace Lafayette-Drouot, 44, rue du Faubourg-Montmartre, Paris 9e.
Christophe Deroubaix

Source : Lhumanite.fr