Le Taubira bashing ou le racisme décomplexé

— Par Max Auguiac & Jean-Claude William —

taubira_la_gaucheJean François COPE, l’arroseur arrosé ! Démissionné par ses amis politiques de la présidence de l’UMP, l’ambitieux et arrogant personnage a récemment réclamé la démission de Christiane TAUBIRA. Elle est toujours en place et COPE voit-du moins pour l’instant – s’éloigner ses rêves les plus ambitieux (on parlait alors même de la présidence de la république !). A vrai dire il ne faisait que s’aligner sur Marine LE PEN. Celle-ci reprochait à la ministre de la justice de n’avoir pas chanté « la Marseillaise » à l’occasion de la commémoration des abolitions de l’esclavage. L’argument est éculé : il a naguère été avancé par Jean-Marie LE PEN qui considérait qu’il y avait trop de noirs et de beurs dans l’équipe de France de foot-ball. Sans surprise il a été repris par sa fille qui dans ce domaine ne se soucie pas de « dédiabolisation ».

Chanter l’hymne national français permettrait de juger du patriotisme selon LE PEN, père et fille. Ce chant guerrier, aux relents racistes et xénophobes, conçu à une époque révolue, ne permet en rien de traduire une émotion vraie. D’autant qu’en la circonstance reprendre « la Marseillaise » en chœur revenait à couvrir la voix d’une artiste lyrique de grand talent.

Quelle cruelle ironie que ces remarques venant d’héritiers d’un courant de pensée qui a compté tant de collaborateurs aux heures sombres de la seconde guerre mondiale, dont certains sont allés jusqu’à s’enrôler aux côtes des armées allemandes ! Et ces héritiers ont le front d’apprendre l’amour de la patrie à une compatriote de Félix EBOUE, ancien compagnon de la libération qui fut l’un des premiers à répondre à l’appel du général de Gaulle et lui permit d’avoir une importante base arrière en Afrique !

Le recueillement authentique ne s’accommode pas de l’exhibition. Il est silencieux, les tripes se nouent, les mains sont moites, les larmes viennent aux yeux. Christiane TAUBIRA était évidemment dans cette disposition d’esprit, fortement émue par le rappel du drame dont ont été victimes nos ancêtres. Elle qui est à l’origine de la loi reconnaissant que l’esclavage et la traite négrière transatlantique sont constitutifs d’un crime contre l’humanité.

Rappelons que les afro descendants des Antilles et de la Guyane notamment n’ont aucune leçon de patriotisme français à recevoir de qui que ce soit.

Ils ont en 1913, après avoir insisté pendant des décennies, obtenu d’aller se battre pour la France en Europe, loin de chez eux pour, comme ils le disaient « payer l’impôt du sang. Ils voulaient montrer que s’ils réclamaient l’égalité des droits avec les Français de France, ils entendaient également partager avec eux les charges impliquées par la position de « Français à part entière. » Nombreux sont ceux qui sont morts sur les champs de bataille de cette abominable boucherie qu’a été la guerre de 1914-1918. Quant aux rescapés ils sont rentrés en très piteux état. Physiquement et psychologiquement détruits ! Il n’est que de visiter les Antilles pour voir ces monuments aux morts dans toutes les communes où s’alignent les noms de tous ces jeunes gens « morts pour la France » et quand on rapporte le nombre de tués au nombre probable de jeunes habitants de la commune en ce temps là on réalise que c’est un lourd tribut que les originaires de ces lointains département ont payé pour la défense de la France . Et que dire, à propos de la seconde guerre mondiale, de ceux qui ont bravé l’adversité pour partir en canots vers la Dominique et Sainte-Lucie pour rejoindre les forces combattantes ceux partis « en dissidence » à l’insu des forces de Vichy qui contrôlaient les Antilles ( les LE PEN connaissent Vichy n’est-ce pas ?). Ces jeunes Guadeloupéens et martiniquais ont combattu à Monte Cassino, en Alsace, à Bir Hakeim et certains ont même débarqué à Ouistreham !

Le lynchage politico-médiatique de Christiane TAUBIRA a un nom. Le racisme. Masqué, sournois, rampant. Le racisme. Notre compatriote Guyanaise, négresse et fière de l’être, défend avec un exceptionnel talent les dossiers dont elle a la charge et qui ne sont que la traduction en termes juridiques des engagements du président de la république. L’extrême violence des attaques qui se déchaînent contre elle ne s’explique que par la couleur de sa peau, et son refus total de jouer le rôle de la négresse de service en faisant profil bas. Ne nous y trompons pas. Christiane Taubira est la cible principale parce que particulièrement exposée mais les attaques dont elle est l’objet ne doivent pas occulter ce fait essentiel, le racisme en France gagne du terrain. Longtemps, il a été mal vu, au plan moral, d’avoir un comportement ou de tenir des propos racistes. Aujourd’hui, les digues morales ont cédé. Le racisme s’exprime de manière « décomplexée ».

Il est encore plus dangereux que son expression manifeste.

« Christiane » n’est pas isolée. Elle nous honore. Notre nom à tous ? TAUBIRA.

 

Le 14 juin 2014.

Max AUGUIAC. Ancien Consultant International, Ancien Maitre de Conférences Associé à l’Université des Antilles et de la Guyane.

Jean-Claude WILLIAM. Professeur Emérite des Universités.