Le Son Cubain : Un héritage musical universel et une reconnaissance mondiale

Le 10 décembre 2025, le son cubain a été officiellement inscrit sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, une reconnaissance bien méritée pour ce genre musical qui incarne l’âme de Cuba. Véritable pilier de la musique cubaine, le son est plus qu’un style musical : c’est un reflet de l’histoire, de la culture et de l’identité de l’île. Il a traversé les siècles, fusionnant des influences espagnoles et africaines pour créer un son unique qui, dès les années 1930, a conquis le monde entier.

Origines et évolution : Une fusion unique de cultures

Le son cubain trouve ses racines au XIXe siècle, dans les collines rurales de l’est de Cuba, notamment dans les régions de Santiago de Cuba, Guantanamo et Manzanillo. Ce genre musical émerge à une époque de métissage culturel intense, un syncrétisme entre les rythmes africains apportés par les esclaves et les traditions musicales espagnoles héritées de la colonisation. Ce mélange a engendré une forme musicale distincte : le changüí, précurseur du son cubain. Le changüí, marqué par une percussion intense et des instruments à cordes comme le tres cubano (une guitare à trois paires de cordes), est l’embryon du son, une musique qui allait se diffuser à travers toute l’île.

Les premiers grands noms du son incluent des figures comme Nené Manfugas, un musicien d’origine haïtienne, qui, au début des années 1890, a fait découvrir ce genre à Santiago de Cuba. Cette musique, d’abord confinée aux zones rurales, commence à s’installer à La Havane après 1909, grâce à l’arrivée de musiciens militaires venus de Santiago, et l’introduction du sexteto, une formation musicale plus étoffée, augmentant ainsi la complexité et la diffusion du genre.

Le Son Cubain : Une musique de danse et de fête

Le son cubain est bien plus qu’une musique, c’est une véritable célébration de la vie. Dès ses débuts, il se distingue par une structure rythmique fascinante, alternant entre une voix soliste et un chœur répétant un refrain, ce qui en fait une musique de danse par excellence. Dans les années 1920, la musique son fait son entrée dans les salons des classes populaires, se distinguant de la danse plus formelle du danzón. Cette danse, plus audacieuse et sensuelle, se caractérise par une proximité entre les danseurs, un élément qui a d’abord choqué la société bourgeoise avant d’être adopté par les dancings raffinés de La Havane.

Cette danse et cette musique sont devenues un moyen d’expression pour les cubains, un moyen de célébrer la joie de vivre malgré les difficultés sociales et politiques. Les instruments du son cubain sont simples mais puissants : le bongó, la clave, le tres cubano et, plus tard, la trompette. Ces sonorités ont donné naissance à une musique qui, par son rythme et son énergie, crée une atmosphère inoubliable, tant sur les pistes de danse que dans les rues de Cuba.

Le Son Cubain à l’international : Une révolution culturelle

À partir des années 1930, le son se répand au-delà des frontières de Cuba, atteignant les États-Unis et l’Europe. Le Trio Matamoros et le Septeto Nacional sont les pionniers de cette internationalisation, avec des morceaux mémorables qui ont fait rayonner le genre. Dans les années 1940 et 1950, des artistes comme Benny Moré, Compay Segundo et Ibrahim Ferrer apportent un souffle nouveau au genre, enrichissant la musique avec des influences comme le mambo, le cha-cha-cha et, plus tard, la salsa.

Cependant, c’est dans les années 1990, avec le groupe Buena Vista Social Club, que le son cubain connaît un véritable renouveau mondial. Réunis par le guitariste américain Ry Cooder, des musiciens de légende comme Compay Segundo, Ibrahim Ferrer, Rubén González et Eliades Ochoa redonnent vie à ce genre musical traditionnel, propulsant la musique cubaine sous les feux de la scène internationale. L’album Buena Vista Social Club, accompagné du film documentaire de Wim Wenders, connaît un succès retentissant, faisant découvrir au monde entier la richesse du son cubain et son héritage culturel.

La chanson Chan Chan de Compay Segundo devient un hymne international, marquant une époque où la musique cubaine traditionnelle fait son grand retour sur la scène mondiale.

Un son vivant : Un symbole de cohésion sociale et d’identité

Le son cubain ne se contente pas d’être un genre musical, il est le cœur battant de la société cubaine. Comme le souligne le musicologue cubain José Cuenca, « Le son est la colonne vertébrale de la musique cubaine ». Ce genre musical reste une pratique vivante, qui accompagne les célébrations communautaires, qu’elles soient familiales, locales ou nationales. Il est une forme de résistance culturelle, un moyen d’affirmer l’identité de tout un peuple, mais aussi un catalyseur de cohésion sociale.

Le son incarne cette capacité unique de Cuba à réinventer sa culture tout en restant profondément attachée à ses racines. En tant qu’élément central des fêtes, des rassemblements et des cérémonies, le son est un facteur d’unité. Comme le dit Pachy Naranjo, pianiste et leader du groupe Original de Manzanillo, « Le son ne nous identifie pas seulement comme chanson, il nous identifie comme personnes, comme Cubains. » Il est cette mémoire collective qui traverse les générations, un témoignage sonore de l’histoire et de la culture de l’île.

Le Son : Un phénomène musical mondial

Le son cubain a non seulement influencé la musique cubaine, mais aussi la scène musicale latino-américaine et mondiale. Les genres qui ont émergé à partir du son, tels que le mambo, le cha-cha-cha, la salsa et la timba, ont acquis une popularité immense à travers le monde. Dans les années 1960, le son devient la base de la salsa, fusionnant avec d’autres rythmes latins et afro-caribéens pour créer un genre musical international.

Le son cubain est également à l’origine de la popularisation des congas dans la musique commerciale, marquant une étape importante dans le développement des percussions afro-cubaines dans les orchestres latins. À travers les décennies, le son a continué d’évoluer, influençant des artistes du monde entier et restant un modèle pour les musiciens contemporains. Il est le fondement sur lequel la musique latine moderne a été bâtie.

Une reconnaissance mondiale : Le Son Cubain au Patrimoine de l’Humanité

L’inscription du son cubain au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2025 est une consécration mondiale pour ce genre musical. Elle rend hommage à une musique vivante, une forme d’art qui a traversé les siècles et continue d’évoluer. Cette reconnaissance assure la préservation de ce patrimoine culturel unique et garantit que les générations futures pourront aussi vibrer au rythme de ce trésor musical. Le son cubain n’est pas seulement un genre musical, il est un mode de vie, une façon d’être, une célébration de l’identité cubaine, et un héritage culturel qui résonne bien au-delà des frontières de l’île.

À travers les âges, les voix de Compay Segundo, Ibrahim Ferrer et d’autres grands noms du son ont porté cette musique aux quatre coins du monde. Le son cubain, avec sa chaleur et son énergie irrésistibles, reste un lien indéfectible entre les cubains et le monde entier, une musique qui, tout en étant enracinée dans son passé, regarde résolument vers l’avenir.