Le jugement premier des Martiniquais…

— Par Roland Tell —

Il était inévitable que quelque part un procès survînt ! L’origine remonte à cette foule de partis pris, dont la politique est friande. Mais ce n’est pas, comme on l’a dit, la tragédie de la Martinique. Un petit groupe de gens de pouvoir, par connaissance sûre des arcanes de la science économique, ont saisi ensemble et inséparablement certains des éléments les plus significatifs d’un budget d’échanges, par le moyen de l’émotion collective, suscitée ici par un cyclone. C’est bien là une expérience, exprimable d’ordinaire en gestes de solidarité, dans la Caraïbe tropicale, où n’existe pas de frontières pour les catastrophes. Ici, les infortunes du temps s’étendent presque partout dans l’aire caribéenne ! C’est pourquoi l’intervention budgétaire reste consciente d’elle-même, car, en ce cas, tout Martiniquais devient lui aussi sinistré, et c’est avec son coeur qu’il accourt au secours du voisin du nord, qui s’est affaissé, sans moyens de subsistance.
En ce cas, la politique financière de la Martinique est commise à l’aide productrice de survie, engagée par nature dans une coopération entière, tendant à engendrer l’œuvre de reconstruction attendue d’elle. Il s’agit, en l’occurrence, non de se replier sur soi, de perdre pied face à la détresse des autres, mais d’intervenir au plus vite, sans limitation aucune, pour, s’il le faut, assumer la charge de l’humanité, en tendant vers une réalité à produire. Et pourquoi pas une école ? Le résultat, aujourd’hui, c’est que la science économique, mise en œuvre alors, reste identifiée avec toute l’opinion publique martiniquaise. Il n’y a pas de principe de désaccord, et la réalisation de l’œuvre reste la vraie gloire des promoteurs !
C’est pourquoi l’éclat aveugle d’un procès, par ailleurs déplacé vers le dehors caribéen, nourrit, en chaque Martiniquais, un parfait désespoir, et risque de tuer, pour l’avenir, nombre d’initiatives solidaires, avec une sûreté remarquable. Le cas de ce procès est intéressant, parce qu’il fournit une occasion singulière de mettre à l’épreuve toute la philosophie d’assistance dans la Caraïbe. Les grandes forces, venues d’ailleurs, qui tendent à détruire, dans l’œuf, la coopération caribéenne, et dont le procès est un symptôme particulier, disposent de moyens puissants de nuisance. Elles veulent congédier la coopération caribéenne, au bénéfice des travaux forcés de la tarification budgétaire, et de l’interventionnisme de l’État. L’une des orientations vicieuses, qui avilissent notre différenciation proclamée, est une sorte de vie économique austère, au service du superflu, une sorte d’humiliation continue, qui ne tend à aucune vie sociale égalitaire. Car la Martinique est encore privée de l’égalité réelle, au sein de la France, et sa seule stimulation est d’acquérir plus d’emprise dans son environnement caribéen et américain, pour une vie économique et sociale, plus naturelle pour sa communauté humaine. C’est pourquoi les forces hostiles, telles qu’un procès, constituent de sérieux obstacles dans la recherche créatrice de la coopération.
C’est pourquoi aussi les hommes politiques au pouvoir, en dépit de leur glissement coupable vers l’égo humain, doivent considérer avant tout l’œuvre attendue d’eux, pour la jeunesse notamment. Ce serait faire acte d’héroïsme, par rapport à leur propre Soi, trop souvent regardé comme image de la Martinique, et émancipateur du peuple, que de se mettre à travailler, travailler, travailler, avec motivation et conscience, pour le bien commun, nettement supérieur à leur personne de politiciens, encore trop soucieux de la libération de leurs rêves refoulés d’indépendance, et des obsessions de vengeance contre leurs prédécesseurs. Telle est la voie du progrès pour la communauté martiniquaise !
ROLAND TELL