« Le journal d’une femme de chambre » : une histoire rocambolesque et moderne

— Par Christian Antourel —

Célestine est devenue femme de chambre pour fuir une vie trop restreinte et se retrouve dans un monde où la vie ne se conjugue pas avec le bonheur. Cette ancienne chambrière vient de publier son journal. A l’occasion d’une rencontre avec ses lecteurs , elle raconte avec humour et franchise les anecdotes de son quotidien d’antan. Elle souffle aussi ses secrets « on se sent seul quand on est chez les autres » Elle se montre coquine, attachante aussi angoissante. Elle singe ses anciens maîtres et rejoue des situations cocasses. Il est hors de question de finir sa vie au service des affreux Lanlaire.

Tour à tour dévouée, manipulatrice elle dénonce avec une lucidité redoutable et un humour impitoyable la condition des domestiques et gens de maison, forme moderne de l’esclavage. Elle nous confie dans son journal ses choix, ses doutes, ses sentiments, sa souffrance et se livre sans retenue ni pudeur. Octave Mirbeau écrit le journal sous forme de feuilleton en 1891 et 1892 puis en 1900 en fait le roman que nous connaissons. Le journal a fait l’objet d’innombrables adaptation au théâtre en France et à l’étranger et même été porté plusieurs fois à l’écran A partir de l’adaptation de Philippe Honoré ciselée et faisant ressortir l’essentiel des 519 pages du roman, Philippe Person signe une mise en scène épurée, précise et centrée sur l’expressivité de la narration dans le décor tout kitch des années 1970. La verve rageuse de cet intellectuel libertaire se retrouve dans ce texte dont le style novateur du journal permet de dénoncer des situations et des anecdotes percutantes sur l’esclavage moderne de la condition domestique des gens de maison. Ce texte aux allures de « nausée sociale » est l’exutoire de sa révolte. Le style alerte et caustique rend plus accessible la leçon et comme pour faire écho à l’universalité du combat éthique pour la liberté contre l’exploitation de la misère humaine. J’ai eu envie de montrer, les Lanlaire, Mauger et autre joseph confie Philippe Person. Ainsi il campe sur scène tour à tour, le domestique inquiétant joseph, le Maître monsieur Lanlaire et aussi bien l’énigmatique capitaine Mauger. Philippe Person a su trouver la forme qu’il fallait, au plus près de l’incroyable vérité, dans un spectacle ample, audacieux, authentique. Il s’empare avec fraicheur de ce théâtre intime où la précision toute classique des mots épouse une analyse lucide des sentiments. Un moment de pure vérité, nourri d’une nostalgie qu’on partage avec les deux comédiens fait de cette rencontre improbable un moment où l’extrême justesse permet de tout dire et tout entendre, de la violence des conflits larvés au lit d’une même histoire, à l’impudeur des confessions. Florence Le Corre-Person, comédienne exquise, nous livre une interprétation sans fausse note, avec beaucoup de sensibilité et de drôlerie.. Elle traverse toutes les palettes dans son parcours de femme de chambre. On s’attache, on s’émeut, on s’étonne, on rit aussi. On vibre avec Célestine, qui se livre et ne cesse de nous surprendre.

En pratique :

Au Théâtre Aimé Césaire
jeudi 16
Vendredi 17
& Samedi 18 mars 2017 à 19H30.

Mise en scène :
Philippe Person
Librement adapté du roman
d’Octave Mirbeau

Avec :
Florence Lecorre-Person (Célestine)
Philippe Peson
(Joseph, M. Lanlaire, le capitaine Mauger)

Décor : Vincent Blot
Lumières : Alexandre Jardin
Compagnie Philippe Person
Durée 1H05
A partir de 12 ans.
Réservation : 0596 59 43 29.

Christian Antourel.

Texte paru dans Le Magazine France Antilles.