Le chavisme fragilisé au Venezuela

— Par Paulo A. Paranagua —

Au Venezuela, le score du candidat présidentiel de l’opposition, Henrique Capriles Radonski, le 14 avril, était une gageure face à la machine électorale mise au point par le lieutenant-colonel Hugo Chavez, et placée au service de son successeur désigné, Nicolas Maduro.

Pendant quatorze ans, l’ancien président avait élargi son électorat, passé de 3,6 millions de voix en 1998 à 8,2 millions en 2012. Nicolas Maduro enregistre le premier recul chaviste à une présidentielle, réunissant 7,57 millions de suffrages.

Les opposants sont parvenus entre-temps à combler l’écart, passant de 2,6 millions de voix en 1998 à 7,3 millions en 2013. A peine 270 000 votes séparent M. Maduro de son challenger, M. Capriles.

L’érosion chaviste peut être attribuée en partie à l’usure du pouvoir. La décrue répond aussi aux problèmes qui affligent les Vénézuéliens : pénuries d’énergie et de denrées alimentaires, insécurité et inflation record.

Elle s’explique encore par la personnalisation à outrance autour de Chavez, dont le charisme et le capital électoral ne sont pas transférables. Le président de l’Assemblée nationale, le lieutenant de réserve Diosdado Cabello, a été le premier à tirer la sonnette d’alarme : « Ces résultats nous obligent à une profonde autocritique. »

L’avertissement s’adresse à son rival, le candidat Maduro, dont la campagne a multiplié les dérapages et a trop misé sur l’invocation du président disparu, poussée jusqu’au mysticisme.

Le site chaviste d’information Aporrea détaille les raisons d’une victoire à l’arraché, « avec une désagréable et authentique saveur de défaite ». D’abord, figure la profusion de profiteurs et de corrompus dans les rangs de l’administration.

Ensuite, le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) a reproduit le clientélisme et le « comportement nauséabond » des anciens partis traditionnels.

Enfin, le discours belliqueux à l’égard des opposants n’a rien arrangé : « Ça suffit de disqualifier des gens qui sont aussi nos cousins, époux, frères, amis », écrit le chaviste Juan Gomez Muñoz.

DÉMOCRATIE PLÉBISCITAIRE

Le mélange de populisme médiatique, de démocratie plébiscitaire et de césarisme légué par Chavez est désormais miné par les contraintes économiques. Malgré la manne de pétrodollars, le Venezuela est devenu la lanterne rouge de l’Amérique latine, le seul pays en récession.

La redistribution du revenu national, la lutte contre la pauvreté, les programmes sociaux ciblés, sont aujourd’hui l’apanage de pratiquement tous les gouvernements de la région. Mais ils s’accompagnent du respect des grands équilibres, le cadet des soucis de la « révolution bolivarienne ».

En dépit des discours souverainistes de Chavez, le pays n’a jamais été aussi dépendant du pétrole. La relance économique implique un changement d’orientation. La transparence apparaît également comme la condition pour réduire la corruption, qui atteint des sommets, selon l’organisation non gouvernementale Transparency International.

La crise postélectorale révèle une démocratie amoindrie par un autoritarisme rampant. Rétablir l’Etat de droit et la séparation des pouvoirs, redonner dignité et efficacité aux institutions, suppose un sursaut républicain, au-delà des différences idéologiques.

Les Vénézuéliens ne supportent plus de vivre dans une nation coupée en deux. De part et d’autre, l’aspiration à l’apaisement gagne du terrain. Et l’insécurité croissante a accentué le rejet des violences…

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LE MONDE | 20.04.2013 à 13h02 • Mis à jour le 20.04.2013 à 13h46