Vendredi 24 octobre à 18h – Tropiques-Atrium
Dans les années 1960, Nicolás Guillén Landrián (1938-2003) devient le premier cinéaste noir de Cuba. Neveu du poète de la négritude Nicolás Guillén, il s’impose rapidement comme une figure singulière du jeune cinéma révolutionnaire. Peintre, poète du réel, documentariste audacieux, Landrián développe un langage cinématographique d’une grande modernité, marqué par la liberté formelle, la force visuelle et la sensibilité sociale.
Entre 1962 et 1972, au sein de l’Institut cubain de l’art et de l’industrie cinématographiques (ICAIC), il réalise une série de courts-métrages marquants, dont En un barrio viejo (1963), Ociel del Toa (1965) — lauréat du prix Espiga de Oro au Festival de Valladolid — et Coffea Arábiga (1968). Mais son indépendance d’esprit, son regard critique sur la société cubaine et sa personnalité insoumise provoquent la méfiance du pouvoir. Accusé de « déviation idéologique », il est censuré, interné, emprisonné et finalement réduit au silence. Exilé aux États-Unis à la fin des années 1980, il y meurt en 2003, oublié de son pays.
Avec Landrián, le réalisateur cubain Ernesto Daranas (Conducta, Sergio & Sergei) entreprend un double geste : celui de redonner une voix à un artiste effacé de la mémoire collective, et celui de préserver un pan essentiel du patrimoine cinématographique cubain. À travers une enquête sensible et rigoureuse, Daranas revisite l’œuvre, la vie et l’héritage de Guillén Landrián, tout en évoquant le destin de tant d’artistes confrontés à la censure et à l’exil.
Le film s’accompagne d’un travail de restauration exceptionnel : dix courts-métrages de Landrián, considérés comme perdus, ont été retrouvés et restaurés sous la direction de Daranas. Landrián devient ainsi non seulement un hommage, mais aussi un acte de sauvegarde et de transmission.
Véritable voyage dans la mémoire du cinéma cubain, Landrián met en lumière la puissance créative d’un artiste longtemps réduit au silence et questionne, avec émotion et lucidité, le prix de la liberté artistique dans un contexte politique autoritaire
