— Par Sarha Fauré —
L’Afrique vit une double crise des inégalités : un écart extrême entre riches et pauvres, et des gouvernements qui, pour la plupart, peinent à engager des politiques ambitieuses pour inverser cette tendance. Le continent, pourtant riche de ses ressources naturelles et humaines, est l’un des plus inégaux au monde. Une étude récente d’Oxfam révèle une réalité frappante : quatre milliardaires africains détiennent plus de richesses que la moitié de la population du continent, soit près de 750 millions de personnes.
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : les quatre hommes les plus riches d’Afrique possèdent à eux seuls une fortune plus grande que celle de la moitié de la population du continent. De plus, en cinq ans, la richesse des milliardaires africains a augmenté de 56 %, tandis que celle des cinq plus riches a bondi de 88 %. En parallèle, les conditions de vie de la majorité des Africains se détériorent rapidement : la pauvreté, la faim, et les inégalités de genre atteignent des niveaux alarmants. En Afrique, les hommes détiennent trois fois plus de richesses que les femmes, un écart qui dépasse de loin celui observé dans d’autres régions du monde.
En outre, près de la moitié des 50 pays les plus inégalitaires du monde sont situés en Afrique. Le revenu moyen des 1 % les plus riches du continent a augmenté cinq fois plus vite que celui des 50 % les plus pauvres depuis 2020. Cette concentration extrême de la richesse dans les mains d’une petite élite est un symptôme d’un système économique et politique profondément défectueux, où les politiques publiques profitent à une minorité, laissant le reste de la population dans une précarité croissante.
Les conséquences de ces inégalités sont multiples et graves. Elles menacent non seulement la stabilité économique et sociale, mais aussi la démocratie elle-même. Lorsque la richesse est si concentrée, cela nuit à la croissance économique, aggrave la crise climatique, renforce les injustices de genre et de classe, et érode les droits humains fondamentaux. Ce système est insoutenable et dangereux, car il perpétue une inégalité d’accès aux ressources, à l’éducation et à la santé, tout en excluant une large majorité de la population de toute possibilité de progrès.
Ironiquement, l’Afrique obtient le score le plus bas dans l’indice mondial des engagements des gouvernements à réduire les inégalités. Alors que l’écart se creuse entre les riches et les pauvres, les dirigeants africains sont de moins en moins impliqués dans la lutte contre cette injustice, ce qui exacerbe encore les tensions et les frustrations sociales.
Mais il est encore temps de changer ce système. Si le continent venait à réduire ces inégalités extrêmes, cela transformerait la vie de millions de personnes. Les conditions sont favorables pour initier ce changement : l’Afrique préside le G20 pour la première fois, et de nouvelles initiatives mondiales, comme le Compromiso de Sevilla pour le financement du développement, offrent des opportunités inédites. Les pays africains participent également activement aux négociations pour une convention fiscale mondiale, qui pourrait permettre de lutter contre les flux financiers illicites drainant les ressources du continent.
Oxfam appelle les dirigeants africains à saisir cette occasion historique pour combattre les inégalités, à la fois au niveau national et international. Cela passe par des politiques de redistribution plus équitables, l’imposition des grandes fortunes et la lutte contre l’évasion fiscale. Le continent a les moyens de changer le cours de son histoire. Reste à savoir si ses dirigeants auront la volonté de briser les chaînes de l’injustice et de garantir un avenir plus juste pour tous.