— Par Jean Gabard —
Le mot propagande et le mot idéologie rappellent des concepts d’un autre âge. Ces mots font penser au nazisme ou au communisme et sont connotés péjorativement. Aujourd’hui, avec le progrès de la démocratie, la tendance est plutôt de se sentir à l’abri de ces idées aussi extrêmes et de ces méthodes aussi grossières. Et pourtant, une idéologie n’est-elle pas plus efficace lorsqu’elle est subtile et que l’on a la conviction d’être suffisamment libre de penser pour n’en suivre aucune ?
Aujourd’hui une croyance domine. Elle a séduit une très grande partie de la population des pays occidentaux. Il faut dire qu’elle bénéficie d’atouts importants. Dénonçant une idéologie sexiste rétrograde, elle ne peut que faire l’unanimité. Quand la devise de la République est « liberté, égalité, fraternité » et qu’est affirmé le principe de non-discrimination en raison du sexe, l’égalité femme-homme ne peut qu’être évidente. Quand le président de la république lui-même en fait l’objectif de son premier mandat et qu’est mis en place un ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations ainsi qu’un Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, celui qui la conteste fait figure de marginal, de sexiste, de réactionnaire, de « masculiniste ». Sa critique ne sera pas interdite mais rendue inaudible ! Comment, en effet, ne pas soutenir la lutte contre la construction sociale et les discriminations sexistes et celle pour l’égalité qui semblent inséparables ?
Cette idéologie s’impose très facilement en profitant de la confusion entre « égalité en dignité et en droits » inscrite dans la Constitution et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et « égalité ». Beaucoup n’y voient qu’un raccourci alors que c’est bien l’égalité réelle qui est revendiquée. Les Etudes de genre qui voulaient dénoncer ce qui dans les inégalités venait de la construction sociale et des discriminations sexistes, affirment maintenant que toutes les différences (autres que physiques et biologiques) viennent de la construction sociale et des discriminations sexistes. Elles seraient donc injustes. On sait pourtant, depuis quelques années que ce postulat, dit scientifique comme si c’était une théorie, n’est pas valable ! On sait en effet maintenant que des différences biologiques entraînent aussi des motivations et des comportements différents chez les femmes et chez les hommes. De plus, si on ne fait pas preuve de mauvaise foi et que l’on pense à juste titre que l’éducation et la culture ont une influence sur l’avenir d’un petit enfant, on devrait aussi pouvoir admettre, même si on n’en a pas davantage la preuve, que le fait de naître d’une personne du même sexe avec un corps féminin qui pourra mettre un enfant au monde, ou avec un corps masculin d’une personne de l’autre sexe, peut en avoir au moins autant, même et surtout si ces mémorisations, qui n’ont aucun rapport avec la culture, sont davantage enfouies dans l’inconscient. L’idéologie dominante le sait ou devrait le savoir mais, par intérêt pour la cause, persiste à faire croire qu’il y a « égalité femmes-hommes ».
L’idéologie patriarcale traditionnelle a des difficultés à assumer la différence femmes-hommes qui, comme toute différence, insécurise et fait poser des questions. Pour se rassurer sur leur identité, des hommes, depuis des siècles, croient trouver la solution en infériorisant les femmes. Aujourd’hui, en réaction, la nouvelle idéologie dominante, déniant l’altérité, juge en retard[1], malades[2] et mal éduqués, les individus hommes qui ne se comportent pas comme la femme. En considérant que leur éducation est la seule cause de la différence, cette utopie croit éviter, par ce procédé pervers, l’accusation de sexisme. La spécificité des hommes (que l’idéologie patriarcale n’a souvent fait que grossir et très grossièrement) n’est pourtant, parce que déniée, jamais respectée.
Alors que le projet était d’éradiquer le sexisme des hommes envers les femmes, la dénégation de la différence des sexes a abouti à un nouveau sexisme envers les hommes. Le premier est aujourd’hui, très justement condamné, alors que le second, pratiqué par l’idéologie dominante, sans le reconnaître, est entré dans la norme. Ce sexisme se répand discrètement par la seule propagande autorisée en entraînant avec lui des mesures contraires aux intérêts de l’humain (femmes et hommes). Il favorise la « guerre des sexes » alors que la voie qui consiste à prendre vraiment connaissance des dissemblances, à apprendre à les assumer et à les gérer ensemble, est peut-être difficile mais possible et souhaitable !
Jean GABARD
Conférencier et auteur de :
« Le féminisme et ses dérives – Du mâle dominant au père contesté », Les Editions de Paris Max Chaleil, Paris 2006, réédité en 2011 avec le sous-titre « Rendre un père à l’enfant-roi »
« Materner ou éduquer – Refonder l’école », Les Editions de Paris Max Chaleil, 2016.
« Le néo-féminisme contre la famille », Les Editions de Paris Max Chaleil, 2023