La parité n’est pas encore une exception culturelle

— Par Magali Jauffret —
orlanContrairement aux idées reçues, et malgré les prises de conscience et recommandations, les métiers de l’art et de la culture sont gravement exposés aux inégalités de genre.

Voilà quelques années, l’exposition « Elles@centrepompidou » se dote d’un slogan qui sonne comme un aveu : « Au Centre Pompidou, les femmes représentent 17,7 % des artistes dans les collections. La nouvelle présentation leur est consacrée à 100 %. » Ce grand écart volontariste, peut-être même ghettoïsant – ça se discute – est pensé comme un rattrapage, après le scandale qu’a provoqué, quelque temps auparavant, en ce même lieu, « Dionysiac », dont les œuvres des femmes étaient absentes, alors que la commissaire de l’exposition était Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou, récemment nommée commissaire générale de la 57e Biennale de Venise.

Le pire, c’est que cette absence est théoriquement justifiée, dans le catalogue, par les propos aberrants et sexistes de l’artiste Jean-Marc Bustamante, lesquels n’ont pas empêché l’ex-ministre de la Culture, Fleur Pellerin, de le nommer, l’an dernier, à la tête des prestigieux Beaux-Arts de Paris, après en avoir évincé Nicolas Bourriaud. Il disait, et le scandale ne s’éteint pas : « L’homme a besoin de conquérir des territoires, la femme trouve son territoire et y reste » ; il en concluait : « Les femmes ont du mal à tenir la distance. À quand des artistes femmes formalistes ? »

En France, le premier rapport sur les inégalités hommes-femmes dans la culture, commandé par le ministère à Reine Prat, en 2006, fait l’effet d’une bombe. Puis, viennent, en 2012, ceux de la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin, de l’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes, de la SACD, cependant qu’un projet de loi pour l’égalité hommes-femmes est voté…
Il faut continuer à bousculer les normes

Les faits sont donc connus, dénoncés, la prise de conscience est là. Pourtant, rien ne bouge ou si peu. Ainsi, s’il est vrai que les étudiantes des écoles d’art représentent 65 % des effectifs et 60 % des diplômées, leur proportion fond littéralement au sein des collections publiques (11,5 %) : elles ne représentent que 15 % des expositions monographiques. Les femmes sont arrivées à la tête des centres d’art, musées, galeries, même si leur présence reste faible dans les conseils d’administration de ces institutions, dans les textes des catalogues et cela ne change rien, sauf au Frac Lorraine et surtout au Jeu de paume, où Florence Henri, Sophie Ristelhueber, Claude Cahun, Valérie Jouve, Taryn Simon, Diane Arbus… bénéficient d’expositions monographiques qui feront date….

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