La mort de la Droite n’était-elle pas inévitable ?

Par Yves-Léopold Monthieux —

Parler de liberté n’a de sens qu’à condition
que ce soit la liberté de dire aux gens
ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre.
George Orwell.

A la suite des dernières élections de la collectivité territoriale de Martinique, le journaliste Jean-Marc party de Martinique-la-1ère s’est posé la question : « Qui a « tué » la droite en Martinique ? » En relisant mes chroniques parues sur le sujet, je retrouve une tribune écrite en 2011, au lendemain des dernières élections cantonales de la Martinique intitulée : « La mortelle irresponsabilité de la droite ». Cet article pourrait bien contenir la réponse. J’y ajouterai cependant une raison développée dans d’autres tribunes : la droite meurt aussi de s’être totalement fait déposséder de son idéologie par la gauche. De son côté celle-ci se trouve dans la situation contradictoire d’avoir à gérer un assimilationnisme gourmand et à dominer les pulsions qui résultent de l’esprit identitaire qu’elle a elle-même instillée dans la population. L’absence de controverse statutaire et le phénomène identitaire ne paraissent pas devoir rouvrir la voie vers un retour de la droite, qui meurt donc comme elle était apparue : issue de la gauche elle retourne à la gauche.

La mortelle irresponsabilité de la Droite

Depuis une quinzaine d’années, chaque échéance électorale est un pas de plus vers la disparition de la droite en Martinique. Ainsi, lors de l’élection à la présidence du conseil général (2011) elle fut le seul groupe ou groupuscule à ne pas avoir eu de stratégie alors que d’elle seule pouvait dépendre l’issue du vote. (…)

La droite meurt de son ambiguïté originelle

La situation actuelle de la droite est le résultat de plusieurs facteurs. La Quatrième République n’avait pas tenu les promesses de la départementalisation. Les déceptions ont conduit à l’apparition de mouvements autonomistes et indépendantistes ainsi que, par réaction, au ralliement d’élus de gauche à la droite gaulliste. Portée par des transfuges de la SFIO et même du Parti communiste, composée de fonctionnaires, de syndicalistes et souvent de francs-maçons, cette droite ne pouvait être que « sociale ». La carte de membre n° 1 du PPM avait appartenu à Edmond Jean-Baptiste qui fut le futur secrétaire général du parti gaulliste, l’UNR. Par ailleurs, le terreau sociologique n’a pas été favorable au développement d’une droite autre que statutaire. En effet, la société martiniquaise est issue de luttes sociales qu’on ne peut pas qualifier « de droite ». L’assimilation était une valeur de gauche et la départementalisation sociale obtenue entre 1960 et 1981 a été l’œuvre de cette droite venue de la gauche.

La droite meurt de la perte de son ciment statutaire.

Les idées séparatrices avérées ou supposées ont constitué un ciment pour la droite. Si le PPM avait été départementaliste, on n’aurait sans doute pas assisté à ces transferts de la gauche vers l’UNR de l’époque. Au fur et à mesure que les idées autonomistes avançaient la jeunesse dite « gauchiste » se radicalisait et les maires socialistes rejoignaient la droite. Celle-ci a perdu son ciment en 1981 : l’arrivée de la gauche au pouvoir n’a pas conduit à l’autonomie qu’avait fait craindre le projet socialiste. Bien plus, Césaire a prononcé le moratoire. De surcroît, la nouvelle situation ainsi créée par la décentralisation a conduit à la déstabilisation de la droite dont les arguments d’ordre statutaire perdaient en impact sur l’électorat.

La droite meurt de ses querelles intestines

Tout en assurant la défense de la départementalisation, la droite n’a pas su donner un contenu politique à sa volonté de recentrage. De plus en plus favorable aux compétences nouvelles, elle s’est toujours opposée à l’extension du pouvoir politique local : oui à l’autonomie fonctionnelle, non à l’autonomie politique. Osons Oser de Pierre Petit accompagne la droite nationale dans son rapprochement avec la gauche locale. Opposé à des rapports qu’il juge incestueux, le mouvement Forces martiniquaises de progrès est marginalisé par le gouvernement et l’UMP nationale. Sur place, on retrouve des querelles qui s’inscrivent en droite ligne des pratiques du passé entre l’UDF et le RPR. Le parti gaulliste a toujours imposé son hégémonie au détriment Léon Valère, Max Elizé ou Miguel Laventure.

La droite meurt de n’avoir pas su s’opposer

On est aux municipales de 2001 à Fort-de-France. En présentant une liste dissidente, face à la liste officielle FMP – RPR, Osons Oser – RPR fait le jeu du MIM, son partenaire à la région. L’ampleur de la défaite conjointe des deux listes fratricides conduira à la quasi-disparition de la droite à Fort-de-France. Mais la véritable explosion aura lieu le 7 décembre 2003 avec la défaite du référendum. Dès lors, la droite commençait à étaler au grand jour ses dissensions : aux régionales de 2004, en menant double liste comme aux municipales de Fort-de-France ; à l’élection du président du conseil général, en 2008 ; aux élections régionales de 2010 puis, en mars dernier, lors du renouvellement de la présidence du conseil général.

En réalité la droite n’a jamais fait l’effort d’être elle-même ni même de savoir ce qu’elle était et encore moins d’imaginer ce qu’elle pourrait être. Elle n’a jamais su développer une doctrine détachée de la controverse statutaire. C’est une évidence, la droite meurt par manque d’idées et de ne pas avoir su vivre dans l’opposition. 17 avril 2011

Fort-de-France, le 30 juillet 2021

Yves-Léopold Monthieux,