La mort de Christian Lara, « père fondateur du cinéma antillais » et pionnier dans l’histoire des réalisateurs noirs

Christian Lara, le cinéaste guadeloupéen né en 1939 à Basse-Terre, a mené une carrière riche et diversifiée dans le monde du cinéma. Avant de se lancer dans le cinéma, il travaille comme journaliste pour Le Figaro à Paris. Cependant, il trouve rapidement sa vocation dans le cinéma et devient l’un des cinéastes les plus influents et prolifiques de la Guadeloupe et des Antilles.

Il débute sa carrière de réalisateur en 1973 avec deux films, « Jeu de dames », interprété par Georges de Caunes, Anne Dolans, et Catherine Cazan, et « Les Infidèles » avec Michèle Perello, Laure Moutoussamy, et Pauline Larrieu. Ces premiers films sont teintés d’érotisme, reflétant l’atmosphère de l’époque. Plus tard, il réalise trois films pornographiques sous le pseudonyme de Bart Caral.

Cela étant, Christian Lara ne s’est pas contenté de travailler sur des films à caractère érotique. Il a également créé des œuvres plus personnelles, dont « Un amour de sable » avec Jacques Weber, Christine Laurent, et une débutante, Anne Parillaud. C’est à cette période qu’il décide de se consacrer au cinéma antillais, avec pour objectif de permettre à ses compatriotes de la Caraïbe de se voir et d’être vus.

Son premier film guadeloupéen, « Coco la Fleur », est une entreprise audacieusedans laquelle il attribue les rôles principaux à des acteurs antillais tels que Robert Liensol et Greg Germain, en ajoutant des comédiens comme Félix Marten et Jean-Jacques Moreau. Malgré les défis et le scepticisme qui ont accompagné la production, le film connaîtra un vrai un succès et ouvrira la voie à sa carrière cinématographique axée sur les Antilles.

Christian Lara a suivi le conseil d’Ingmar Bergman de ne filmer que ce qu’il connaissait parfaitement, ce qui l’a amené à explorer la richesse de la culture antillaise. Il a également rendu hommage à son grand-père, Oruno Lara, le premier historien noir de Guadeloupe, en créditant ce dernier pour le scénario de « Vivre libre ou mourir ».

Tout au long de sa carrière, Christian Lara aura réalisé une grande variété de films, certains axés sur le divertissement et d’autres de nature politique et revendicative. Parmi ses œuvres notables, on trouve « Mamito » (1980), « Sucre amer » (1998), et « 1802, l’Épopée guadeloupéenne » (2004), qui a été symboliquement publié le 10 mai, journée choisie pour célébrer l’abolition de l’esclavage.

En 2009, Christian Lara réalise »Le Mystère Joséphine » pour la télévision. Parmi ses acteurs de prédilection figuraient Xavier Letourneur, Jean-Michel Martial, et surtout Luc Saint-Éloy.

Outre son travail de réalisateur, Christian Lara a également écrit la plupart de ses scénarios, tout en exerçant les métiers de cadreur et de monteur. En 1998, il a fondé sa propre maison de production, la Caraibe Films Compagnie.

Son film emblématique « Coco la Fleur, candidat » a été projeté à la Cinémathèque française en décembre 2011 dans le cadre du cycle « Images des Outre-mer ».

En 2013, lors de la 21e édition du festival panafricain du film de Los Angeles, il a été honoré du « Pioneering Filmmaker Award » pour l’ensemble de sa carrière, lors de la soirée « Night of Tribute », avant la cérémonie de remise des prix.

Christian Lara était également en train de travailler sur son dernier film, « L’homme au bâton », inspiré du roman éponyme d’Ernest Pépin. Ce projet avait pour objectif de créer un lien culturel entre la Guadeloupe et le Burkina Faso en intégrant des artistes burkinabés. Sa disparition en septembre 2023 a marqué la perte d’une figure majeure du cinéma antillais, considéré comme le « père fondateur du cinéma antillais » et un pionnier dans l’histoire des réalisateurs noirs.

 

Filmographie:

Réalisateur
1973 : Jeu de dames (ou Sex Revolution ou L’Institutrice) (également scénariste)
1973 : Les Infidèles
1976 : Corps brûlants (également scénariste et cadreur, crédité sous le pseudonyme de Bart Caral)
1977 : Un amour de sable (également scénariste)
1977 : Déchaînements charnels (également scénariste, crédité sous le pseudonyme de Bart Caral)
1978 : Jeux de minettes (également scénariste, crédité sous le pseudonyme de Bart Caral)
1979 : Coco la Fleur, candidat (également scénariste)
1980 : Mamito (également scénariste)
1980 : Chap’la (également scénariste)
1980 : Vivre libre ou mourir (également scénariste)
1982 : Une glace avec deux boules… (également scénariste)
1983 : Adieu foulards (également scénariste)
1987 : Black (également scénariste)
1993 : Une Sacrée chabine (également scénariste et monteur)
1998 : Sucre amer (également scénariste)
2004 : 1802, l’Épopée guadeloupéenne (également scénariste)
2004 : Un homme à femmes (également scénariste)
2004 : Cracking Up (également scénariste)
2009 : Le Mystère Joséphine, téléfilm
2010 : Héritage perdu (également scénariste)
2011 : Tout est encore possible (également scénariste et monteur)
2012 : Pani pwoblem (également scénariste)
2012 : The Legend (également scénariste et cadreur)
2012 : Summer in Provence (également scénariste)
2016 : Esclave et courtisane
2017 : L.D Légitime Défense (en production)
2018 : Yafa – Le pardon

Producteur
1973 : Jeu de dames
1998 : Sucre amer
2004 : Point sublime, film de Christian Dob
2009 : Le Mystère Joséphine, téléfilm coproduit avec Bicéphale Production et France Télévision
2011 : Tout est encore possible
2012 : Pani pwoblem
2012 : The Legend
2012 : Summer in Provence

Autres
1974 : Cours du soir pour monsieur seul (ou L’Annonce faite au mari), de Daniel Daert : cadreur
1975 : Elle en veut, de Patrick Rouchon : coscénariste
2004 : Point sublime, de Christian Dob : monteur

1999 : Prix du meilleur film de la Diaspora (prix Paul Robeson) pour Sucre amer, 16e édition du festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), Burkina Faso
2013 : Pioneering Filmmaker Award, 21e édition du festival panafricain du film de Los Angeles pour l’ensemble de sa carrière
2021 : Ubuntu d’or du meilleur long métrage, 1re édition du Festival International Africain des Performances, pour le film Yafa – Le pardon
2022 : Sotigui d’Honneur, 7e édition des Sotigui Awards