La France doit sortir de l’«apartheid scolaire»

— Par Nathalie Mons (Professeur de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise et présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire) —
apartheid_scolaireOui il existe en France des « black schools » qui scolarisent majoritairement des élèves issus de l’immigration. Notre système scolaire produit du séparatisme ethnique et social. Dans leur ouvrage sur L’Apartheid scolaire (Seuil, 2005), les sociologues Georges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton ont levé ce tabou. Nous sommes en 2005, les statistiques ethniques n’ont pas droit de cité. La ségrégation ethnique n’est toujours pas mesurée de manière officielle.

Coïncidence, un diagnostic sur la mixité sociale vient d’être commandé pour la première fois aux responsables locaux de l’éducation nationale. Cette ségrégation ethnique croise, bien sûr, la ségrégation sociale dans nos écoles. Elles résultent de ségrégation résidentielle mais aussi de stratégie d’évitement dans le choix de l’établissement de la part des parents.

Ces ségrégations ne sont neutres ni pour l’école ni pour notre société, comme le montrent un champ riche de recherches conduites dans divers pays (Etats-Unis, France, Belgique, Irlande, Inde…).

Plus les écoles sont ségréguées, plus les problèmes de santé des jeunes, leur consommation de stupéfiants, les incivilités, les maternités précoces, l’intolérance vis-à-vis de l’étranger ou plus généralement de l’altérité… progressent. Par ailleurs, les écoles ghettos créent des dynamiques d’apprentissage négatives dont nous éclairent aujourd’hui les statistiques scolaires.

La France est un pays où il ne fait pas bon apprendre pour les enfants issus de l’immigration. Les recherches nationales et internationales questionnent la réalité de notre modèle scolaire d’intégration républicaine. Ainsi l’enquête internationale sur les acquis scolaires des élèves de 15 ans PISA 2012 montre que, en dix ans, l’écart de performance scolaire entre les élèves issus de l’immigration et les élèves français s’est creusé.

Ce résultat est d’autant plus inquiétant que, durant la décennie 2000, nombre de pays de l’OCDE, comme l’Allemagne, les Etats-Unis, la Suisse ou la Hollande, développaient des politiques ambitieuses d’intégration scolaire qui garantissaient de meilleures conditions d’apprentissage aux jeunes issus de l’immigration.
Vecteur d’intégration laïque

Pire, le pays affiche un écart de performance entre les jeunes appartenant aux secondes générations et les autres largement supérieur à celui de la moyenne de l’OCDE. Les statistiques nationales corroborent ces résultats, révélant plus finement des inégalités selon les origines nationales des élèves et de leurs parents ainsi que selon le sexe – les filles issues de l’immigration tirent mieux leur épingle du jeu que les garçons.

Elles mettent aussi en évidence un plus fort sentiment d’injustice quant à la notation et l’orientation scolaire, générant à leur tour des dynamiques peu propices aux apprentissages. Le modèle d’intégration républicaine par l’école fonctionne mal dans un pays qui avait refusé jusqu’alors le modèle communautariste…

Lire Plus => http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/22/la-france-doir-sortir-de-l-apartheid-scolaire_4561525_3232.html