» La conspiration du Caire », de Tarik Saleh : un thriller époustouflant, à voir à Madiana

Mardi 6 décembre à 14h, Mercredi 7 décembre à 19h30

— Par Roland Sabra —

Il s’appelle Adam, comme dans le mythe des trois monothéismes dominants. Et ce n’est pas sans signification. Il est égyptien, fils de pêcheur et vient d’être admis à la prestigieuse université sunnite Al-Hazhar au Caire. La mort soudaine du grand imam de l’université le fait plonger dans un univers sans pitié où influences religieuses et politiques s’affrontent, en dehors de toute éthique, en ayant recourt aux manipulations, à la corruption, aux meurtres. Après avoir abordé, magistralement les rapports entre police et politique dans Le Caire Confidentiel, le réalisateur suédois, Tarik Saleh, persona non grata en Égypte, aborde dans La Conspiration du Caire les liens intimes et pour le moins troubles entre politique et religion. Le film n’est en rien irréligieux, il ne porte pas sur la croyance, sur son origine, sur sa nature, mais sur son institutionnalisation et les conflits qu’elle génère, qu’elle affronte en tant que pouvoir confronté à d’autres pouvoirs. « Mon but, c’était de faire un thriller politique dans un environnement religieux. Mais j’aimerais que les gens en profitent pour apprendre des choses sur le fonctionnement de l’Islam », insiste le cinéaste. « Cette religion, elle est mondiale, elle représente un milliard de gens sur la planète. Parmi eux, il y a des psychopathes et des gens merveilleux, des féministes et des gays. Et trop souvent, chez moi en Suède comme chez vous en France, certains s’en servent pour nous diviser. »

Tarik Salek, comme dans ses précédentes réalisations, aborde le thème d’un individu pris au piège dans les rouages des machinations d’un système qui l’exploite et le met en danger. Adam n’est en rien le maître de la situation. Il est agi par des forces obscures qu’il découvre et qui le manipulent. Il incarne un personnage malmené tout comme celui du flic, peu recommandable, ambivalent, ambigu, chargé des infiltrations dans l’université Al- Hazhar. qui finira par se révolter mollement contre une logique de système dont il est lui-même à la fois le bourreau et la victime.

Le réalisateur Tarik Saleh s’est inspiré du roman culte de Umberto Ecco, Le Nom de la Rose, qui dévoilait les coulisses d’un monastère , médiéval, il a également puisé dans sa propre histoire familiale. « Mon grand-père a étudié à Al-Azhar et mon père a grandi dans un village de pêcheurs comme celui du film, avant plus tard de s’installer la Suède », raconte-t-il. « Moi je suis né à Stockholm et la première fois que je suis allé en Égypte, j’avais 10 ans. Plus tard, j’y ai vécu lorsque j’ai étudié les Beaux-Arts à Alexandrie. Pendant longtemps, je me sentais égyptien en Suède et suédois en Égypte. Jusqu’au jour où j’ai réalisé que la bonne question n’est pas de savoir qui on est, mais qui on veut devenir. Et moi, je voulais être un artiste, donc un outsider. J’ai plus en commun avec un réalisateur français ou mexicain qu’avec un agent de police égyptien ou un néo-nazi suédois !« 

L’efficacité de la mise en scène est époustouflante. Elle tient le spectateur dans une attente vive et inquiète de bout en bout. Plans larges avec une caméra nerveuse à l’épaule sur des foules de croyants ou sur les 300 000 étudiants d’Al-Azhar, jeux de symétrie étouffants et des focales courtes, pour souligner la puissance de l’institution, au service d’une narration rythmée d’astucieuses ellipses,  de retournements de situations, de transitions musicales fluides et de montages parallèles concourent par un filmage précis, mais épuré à créer la tension palpable et haletante d’un thriller particulièrement percutant.

Le film a reçu le Prix du Scénario au Festival de Cannes 2022.  C’était la moindre des choses. On se demande pourquoi n’a-t-il pas eu cette Palme d’Or, qu’il méritait largement?

Le 28/11/22

R.S.

La fiche
Genre : Thriller
Réalisateur : Tarek Saleh
Acteurs : Tawfeek Barhom, Fares Fares, Mohammad Bakri
Pays : Suède / France / Maroc / Finlande
Durée : 2h00
Sortie : 26 octobre 2022
Distributeur : Memento Distribution