« La Cheffe, roman d’une cuisinière » par Marie NDiaye

marie_ndiayeMarie NDiaye, l’histoire d’une obsession
— Par Marie-Laure Delorme —

Marie NDiaye, l’auteure de Rosie Carpe (prix Femina, 2001) et de Trois Femmes puissantes (prix Goncourt, 2009), s’attache à la trajectoire d’une cuisinière.

Sa beauté hiératique reste inchangée. Elle a été repérée à 17 ans par le fondateur des éditions de Minuit, Jérôme Lindon ; elle est tôt apparue comme l’écrivaine la plus douée de sa génération ; elle a reçu le prix Femina (Rosie Carpe, 2001) et le prix Goncourt (Trois Femmes puissantes, 2009) en moins d’une décennie. La romancière Marie NDiaye partage aujourd’hui sa vie entre Berlin et la Gironde. Les premiers mots de La Cheffe sont « oh oui, bien sûr » et « oh oui, bien sûr » on peut préciser que Marie NDiaye est « métisse » ou « noire ». Elle est née, en 1967, à Pithiviers, de mère française et de père sénégalais. Son univers reste sa langue. Un bureau pris dans un matin d’automne. Marie NDiaye se tient devant nous de passage à Paris et sa grâce d’airain fait parfois écran à ses mots. Elle parle d’une voix friable et fiable.
D’ailleurs, n’est-ce pas le point commun de ses héroïnes de posséder une vaillance invisible à l’œil nu du tout-venant? Ses femmes sont frêles socialement et fortes humainement. Mais là, avec le personnage de la Cheffe, les lignes flottent. Une jeune fille pauvre connaît une ascension sociale fulgurante. On ne découvre son prénom que vers la fin car elle est tout entière dans sa passion, l’invention culinaire. « Qu’est-ce qui fait qu’on choisit ce métier parmi beaucoup d’autres? Il y a un contraste entre la difficulté du métier et le peu de reconnaissance reçue. On sait rarement, dans un restaurant, qui est le cuisinier. »
« Quand je lis, je ne veux pas qu’on me flatte »

La Cheffe est l’histoire d’une obsession. « Rien n’existe en dehors de la cuisine. Sa passion dessine ses limites affectives. Elle ne veut pas juger les autres, elle ne veut pas se livrer. » Et si l’invincibilité et l’invisibilité marchaient toujours de pair chez la romancière. Comme si l’intérieur était suffisamment riche pour se passer de l’extérieur. Marie NDiaye ne s’est pas documentée pour raconter la carrière d’une cuisinière respirant à travers son art culinaire. Ce qui l’intéresse est de saisir la naissance d’une vocation, d’embrasser la passion exclusive, de suivre le sillon creusé. On ne peut s’empêcher, parfois, de faire un parallèle entre l’auteure et le personnage. Le silence et l’exigence. Marie NDiaye est une écrivaine et une lectrice sans concession. « Quand je lis, je ne veux pas qu’on aille dans mon sens, qu’on me flatte, qu’on instaure une connivence entre auteur et lecteur. » Le plaisir naît alors d’un accès à la beauté. Mais la romancière ne pense pas que le succès repose sur un malentendu. « Si l’on ne veut pas plaire, on sait faire. »
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Marie NDiaye
« La Cheffe, roman d’une cuisinière »
Collection Blanche, Gallimard
Parution : 03-10-2016

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