Journée internationale des femmes du monde rural : le 15 octobre

— Communiqué de l’Union des Femmes de Martinique ( UFM ) —

En cette Journée internationale des femmes du monde rural, et à la veille de la grande réflexion lancée par la Collectivité Territoriale sur ses pouvoirs et ses compétences territoriales, l’Union des Femmes de Martinique a rencontré plusieurs agricultrices.

Nous vous livrons la réflexion de l’une d’elles.

« Cinquante-trois ans, fille d’agriculteurs, diplômes de second cycle en poche, et viscéralement attachée à la terre de notre Martinique …

J’ai fait le choix, de revenir au pays avec le projet d’y vivre de mon travail en prenant la relève de parents âgés et comme eux, d’apporter ma contribution à la production vivrière en offrant des produits sains à la population martiniquaise.

Cinq ans plus tard …

Je décide de mettre un terme à cette expérience.

Epuisée, moralement et physiquement, et malgré le soutien de mes parents, je renonce à mon projet sans renoncer à me battre

Je renonce à mon projet et j’y suis forcée, car ma présente réalité professionnelle n’est qu’un parcours d’obstacles :

  • La difficulté d’accès à la terre accrues par la contamination des terres agricoles,

  • La quête et la cherté de Solutions alternatives

  • Les aléas climatiques et la topographie des sols disponibles,

  • La recherche d’une activité salariale complémentaire principale ou secondaire

  • La création d’une micro-entreprise en tant qu’auto-entrepreneure en activité principale ou secondaire,

  • L’obtention d’un SIRET agricole en activité principale et/ou secondaire via le L’INP rubrique Guichet Unique, (disponible depuis janvier 2023 en France et applicable seulement à compter de janvier 2025 en Martinique !!)

  • Le manque d’information et de moyens d’accès au numérique

  • La vie chère, et la réfaction de mon pouvoir d’achat, alors que le prix des intrants agricoles (principalement des engrais naturels et pesticides biologiques) ne cesse d’augmenter. Comment alors se loger, se nourrir et se déplacer ?

  • L’absence dans le secteur agricole d’une couverture sociale adaptée garantissant une retraite décente pour toutes et tous,

  • Les seuils minima d’affiliation à la (MSA) Mutuelle Sociale Agricole,

  • L’accès sélectif aux aides de la PAC (Politique Agricole commune), du POSEI (Programme d’option Spécifique à l’éloignement et à l’insularité), ou autres

  • L’adhésion à une Coopérative agricole

  • L’assurance d’une couverture des risques liés aux calamités sécheresse

  • L’isolement de la profession.

14 travaux d’une « AMAZONE » qui m’ont usée.

Je renonce mais …je n’abandonne pas !

Car il me faut vivre, reprendre souffle si je veux pouvoir continuer. Mais pas dans ces conditions. J’aspire à une vie digne, à un travail rémunérateur qui me permette d’assurer la couverture de mes besoins essentiels et ceux de ma famille.

A ce propos ce sont mes parents, agriculteurs eux-mêmes qui me demandent de « me sauver » !

Parfois, il faut savoir reculer, pour prendre son élan et donner à son projet un nouveau balan.

Mais n’est-ce pas encore rêver ? Car cette réalité, je la partage avec de très nombreux-ses petits-es agriculteur-trices qui n’ont comme moi que l’amour de notre terre et la détermination chevillée au corps de produire « sa nou ka manjé », et cette réalité est chaque jour plus âpre encore.

Voilà, je vais bientôt partir, quitter temporairement mon île, ma terre, pour suivre une formation proposée par France-Travail, formation éloignée du secteur agricole.

Aujourd’hui, acculée, je n’ai plus le choix.

Voilà, Je vous ai tout dit ! »

L’union des Femmes de Martinique s’interroge :

  • Que faire pour que les femmes agricultrices, cheffes d’exploitation, co exploitantes ou associées en Martinique puissent vivre de leur travail ? Pourquoi un tel décalage entre leur revenu et la quantité du travail fournie ?

  • Que faire pour qu’elles ne soient pas obligées pour la plupart de vivre sous le seuil de pauvreté ?

  • Comment régler les difficultés telles l’accès limité à la propriété, à la terre, au financement et aux services non financiers – formation, information ?

  • Comment assurer aux femmes agricultrices un accès aux soins et leur garantir une retraite honorable ?

  • Pourquoi est-il plus difficile pour une femme que pour un homme de se faire une place dans le monde agricole encore aujourd’hui ?

L’enjeu est majeur car l’autosuffisance alimentaire de la Martinique fait consensus entre toutes les autorités, locales et nationales. Il constitue un objectif selon les propos tenus par les uns et les autres.

Or concrètement, il semble plutôt constituer un horizon lointain, qui ne cesse de s’éloigner.

Les agricultrices sont là. Elles sont à la manœuvre depuis tant d’années et malgré toute leur bonne volonté, leur détermination, le découragement a raison de leur engagement à produire notre alimentation.

Est-ce donc dans ces conditions que nous atteindrons l’objectif de l’auto – suffisance alimentaire ?

Est- ce ainsi que nous donnerons envie à notre jeunesse d’investir dans le secteur agricole, tant celles et ceux que nous formons dans nos lycées agricoles, que les + de 15000 NEETS, (Jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formationINSEE 30 mars 2023), à la charge des familles majoritairement tenues par des femmes ?

Que nous disent celles et ceux qui sont chargés d’une vision pour l’avenir de notre pays ?

UFM – 15 octobre 2025