Jouets de Noël: « Les garçons sont plus contraints que les filles par les normes de genre »

Le choix des cadeaux de Noël est encore très différencié en fonction du sexe de l’enfant. L’analyse de Mona Zegaï, doctorante en sociologie à l’université Paris VIII.

sexe_des_jouetsLes achats de Noël battent leur plein. Sous le sapin, y aura-t-il les mêmes jouets pour les filles et les garçons?

Majoritairement, les parents disent choisir les jouets en fonction des goûts de leur enfant et non de leur sexe. Mais si un garçon veut un jouet socialement attribué aux filles, comme une poupée ou un poupon, par exemple, ils vont davantage le recadrer que pour une fille. On appelle cela le contrôle social. Il y a là une contradiction entre le discours parental et les faits.
Parcours de chercheuse

En école d’informatique, Mona Zegaï passait beaucoup de temps sur les forums de discussion de l’intranet. « Comme il n’y avait que 4% de filles sur 350 étudiants, on m’interpellait souvent sur les rapports hommes-femmes. » Avec La Domination masculine, livre »difficile et génial » de Pierre Bourdieu, Elle abandonne alors l’informatique pour entrer en deuxième année de sociologie par équivalence. Elle entre alors en deuxième année par équivalence, tout en achevant son cursus en informatique. Dès le début, elle projette de devenir « enseignante-chercheuse », pour « apprendre, [s]’enrichir, réfléchir sur [elle], les autres, le monde… Et déconstruire les stéréotypes ».

Un garçon ne peut donc pas jouer à la poupée…
Les catalogues distinguent aujourd’hui deux catégories imperméables, le féminin et le masculin (sauf celui de Super U, ndlr). Les poupées sont classées dans les pages réservées aux filles. Dans l’imaginaire collectif, c’est donc un jouet pour elles.
Les garçons sont plus contraints que les filles par les normes de genre. Par exemple, un petit frère ne récupérera pas le radio-réveil « Hello Kitty » de sa soeur, alors qu’une petite soeur pourra très bien hériter le « Cars » de son frère. La crainte de l’homosexualité revient souvent, lors des entretiens individuels, chez les parents de garçons qui vont du côté féminin.

Que dit le discours marketing actuel aux enfants?
Dans les catalogues, on a l’impression d’être dans une famille monoparentale, avec une mère qui fait tout. Et les filles sont amenées à « faire comme maman », autour de trois pôles: la maternité, le ménage et la beauté. L’argumentaire développé pour elles est: « Tu vas pouvoir faire comme maman. »
Les filles sont détournées plus tôt de l’univers du jouet. Cette offre évolue peu avec l’âge. Ainsi, la moyenne des âges minimum conseillés dans les catalogues est de 3 ans pour les filles, contre 5 ans pour les garçons. Les jouets pour garçons sont donc mieux adaptés à leur développement. A l’inverse, plus les filles grandissent, moins elles ont de jouets spécifiques pour leur âge. Elles sont orientées vers les cosmétiques, les bijoux, les vêtements.

Et les garçons, sont-ils incités à « faire comme papa »?
Non, cette injonction n’apparaît jamais pour les garçons. Même pour des jeux de jardinage ou de bricolage, il est rare qu’apparaisse une référence au père. Les garçons se voient plutôt proposer des super héros. Les personnages adressés aux garçons (robots, héros…) communiquent 17,5 fois moins que ceux destinés aux filles (poupons, poupées mannequins…). Les premiers « grognent » et « hurlent », quand les seconds « pleurent », « rient », « babillent » et « gazouillent ».
Les garçons sont aussi davantage incités à se déplacer dans l’espace, à faire la course et à vivre des aventures, à travers les véhicules de marque qu’on leur propose. Alors que les filles disposent de véhicules – poussette et siège auto – pour « promener bébé » ou permettre aux poupées mannequins de faire du shopping et de partir en vacances.

Les parents adhèrent-ils à ce discours?
Pas tous. Mais certains craignent que leur enfant soit exclu s’il ne se conforme pas. La confrontation à la norme sociale existe et peut être violente entre enfants. Pour reprendre l’exemple de la poupée, il est très marginalisant pour un garçon d’y jouer, donc celui qui a un intérêt pour ce jouet ne le dira pas forcément. Cela peut être de l’autocensure. Il sait qu’il ne doit pas aimer telle ou telle chose.

Se plier aux normes est donc impératif pour ne pas jouer seul…
L’enfant choisit aussi ses jouets pour jouer avec les autres….

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Propos recueillis par Isabelle Maradan, publié le 16/12/2013 à  11:20