« J’ai soif »: et l’on reste sur sa faim

— Par Roland Sabra —

Serge Barbuscia l’a rappelé à la fin du spectacle : il tient à cœur ce travail déjà présenté dans une première ébauche en Martinique en 2010. D’année en année il en formule des variations. En 2016 c’était avec deux orgues, l’an dernier avec un quatuor à cordes venu de Corée, aujourd’hui de nouveau avec avec un pianiste comme ce fut souvent le cas dans les années précédentes. Mais voilà le pianiste prévu et qui n’était pas annoncé sur les affiches s’est désisté pour des raisons personnelles au dernier moment remplacé dans l’urgence par Antoinette Hartmann. Elle a fait de son mieux dans un spectacle qu’elle découvrait trois jours avant la représentation ! Est-ce du à la raideur, bien compréhensible de son jeu, est-ce du à son manque de complicité avec un Serge Barbuscia un peu terne ce soir là ? Toujours est-il que la magie n’a pas eu lieu. Les mailles du tricotage de Joseph Haydn et Primo Levi étaient un peu larges pour captiver, pour saisir le public. Et pourtant « Si c’est un homme » et « les sept dernières paroles du Christ en croix » sont des chefs-d’œuvre. L’idée était bonne  de mettre en relation la question de Levi «  Comment peut-on frapper un homme sans colère?» et la parole du Christ «  Pardonne-les, ils ne savent pas ce qu’ils font » et le titre du spectacle « J’ai soif » renvoyait non seulement à celle du supplicié sur la croix mais aussi à ce cri douloureux des déportés qui les poursuivra bien après leur retour, pour les plus chanceux.

Non je n’ai pas été embarqué dans le récit et la beauté de la scénographie, le jeu des ombres et des lumières, le travail de découpage des images, le morcellement des mots et des corps, des visages et des cris, le piano dans l’œil du cyclone des manuscrits et partitions musicales s’élevant jusqu’aux cintres du théâtre, tout cela avec une plastique superbe n’a pas su m’émouvoir autant que la lecture singulière du récit de Primo Levi ou l’écoute de l’oratorio de Joseph Haydn. Un plus un n’égale pas deux. Enfin pas toujours.

Fort-de-France, le 23/11/18

R.S.

Conception, mise en scène & Interprétation : Serge Barbuscia
Musique : Joseph Haydn
Les sept dernières paroles du Christ en Croix
Dramaturgie : Primo Levi, Pieralberto Marchesini & Serge Barbuscia
Vidéos & Lumières : Sébastien Lebert
Acryliques : Sylvie Kajman
© crédit photo : Francis Grosjean