— Par Jean Samblé —
En août 2025, les prix à la consommation en Martinique ont augmenté de 0,3 %, une évolution mensuelle stable par rapport à juillet, selon les données de l’Insee. Sur un an, l’inflation s’établit à 0,9 %, un taux conforme à la moyenne nationale. Pourtant, cette stabilité apparente masque une réalité bien plus complexe : la vie demeure sensiblement plus chère sur l’île qu’en France hexagonale.
Une hausse portée par les services et l’alimentation
La hausse des prix en août est principalement tirée par les services (+0,9 %) et l’alimentation (+0,3 %), notamment les produits frais (+0,8 %). Les services de transport enregistrent une envolée spectaculaire de +8,7 %, portée notamment par le transport aérien national (+14,7 %). Les prix de l’habillement et des chaussures augmentent également, mais plus modérément (+0,7 %).
En revanche, l’énergie recule nettement (-1,9 %), sous l’effet de la baisse des prix de l’électricité (-2,5 %) et des produits pétroliers (-1,7 %). Les produits manufacturés, eux, demeurent globalement stables, confirmant une tendance observée depuis plusieurs mois.
⏲️Un contexte structurel défavorable
Au-delà des évolutions mensuelles, les Martiniquais font face à un coût de la vie durablement plus élevé que celui de leurs compatriotes de métropole. En 2022, l’Insee évaluait cet écart à 14 % en moyenne, un chiffre qui grimpe à près de 40 % pour les seuls produits alimentaires. Ces différences de prix s’expliquent par plusieurs facteurs structurels.
Tout d’abord, l’insularité et l’éloignement jouent un rôle central : 80 % des biens consommés en Martinique sont importés, majoritairement d’Europe. Les coûts de transport et de logistique représentent à eux seuls deux tiers de l’écart de prix observé avec la métropole.
À cela s’ajoute la petite taille du marché local – à peine 350 000 habitants – qui limite les économies d’échelle pour les entreprises. Ces dernières doivent amortir leurs coûts fixes sur une clientèle réduite, ce qui contribue à faire grimper les prix.
Une chaîne de distribution trop longue
La chaîne de distribution martiniquaise souffre également d’une excessive fragmentation : jusqu’à quinze intermédiaires peuvent s’interposer entre le producteur et le consommateur final, contre cinq en métropole. Chaque acteur y prélève sa marge, amplifiant les coûts et, in fine, les prix en rayon. Malgré la vigilance des autorités de régulation, cette accumulation de marges successives reste difficile à contenir.
Une fiscalité locale pénalisante
Le système fiscal, en particulier l’octroi de mer, alourdit encore la facture. Cette taxe, spécifique aux départements d’outre-mer, s’applique sur les produits importés, ce qui renchérit mécaniquement de nombreux biens, en particulier les produits de première nécessité.
⏲️Vers un changement de modèle ?
Face à cette spirale inflationniste structurelle, le protocole signé le 16 octobre 2024 entre l’État et les acteurs économiques locaux constitue une première tentative de réponse. Il vise notamment à alléger la fiscalité sur certains produits alimentaires. Toutefois, ses effets restent incertains, d’autant que la Martinique demeure vulnérable aux chocs extérieurs (crises géopolitiques, fluctuations des cours mondiaux, catastrophes climatiques).
Les tensions sociales de 2024, qui ont éclaté sur fond de cherté de la vie, ont mis en lumière l’urgence d’une refonte plus profonde. Plusieurs organisations locales plaident pour un modèle économique moins dépendant des importations, avec des mesures concrètes : réduction des coûts de fret, soutien à la production locale, simplification administrative, ou encore modernisation des circuits de distribution.
⚠️ Un enjeu social majeur
Derrière les chiffres se cache une urgence sociale. En 2025, 27 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté, un taux presque deux fois supérieur à la moyenne nationale. Chez les enfants, ce chiffre atteint même 32 %. Ces inégalités rendent d’autant plus cruciales les politiques publiques visant à renforcer l’autonomie économique du territoire et à rendre la vie plus abordable pour tous.