Infanticide : des mères dans une «grande misère affective»

INTERVIEW- Psychiatre expert près la cour d’appel de Paris, le Dr Gérard Lopez revient sur la découverte des corps de nouveau-nés congelés à Ambérieu, dans l’Ain. La mère est actuellement en garde à vue.

Deux fœtus congelés ont été retrouvés dimanche au domicile de leur mère, à Ambérieu. Placée en garde à vue, celle-ci avait déjà été condamnée en 2005 à quinze ans de prison, après avoir tué son nouveau-né. Ce soupçon de récidive étonne le Dr Gérard Lopez, psychiatre expert près la cour d’appel de Paris. Dans son dernier livre Enfants violés et violentés, le scandale ignoré, paru en janvier chez Dunod, il se penche sur le drame de la maltraitance et pointe un problème majeur de santé publique.

LE FIGARO. – L’infanticide semble appartenir à un autre temps. Les cas sont-ils nombreux?

GÉRARD LOPEZ. – Bien plus qu’on ne le pense! Un enfant meurt tous les jours sous les coups de ses parents. Pour ce qui est du néonaticide (un infanticide réalisé le jour même de la naissance du bébé, NDLR), le Dr Anne Tursz, de l’Inserm, a estimé sa fréquence à 2,1 pour 100.000 naissances dans ses travaux contre 0,39 dans les statistiques.

Quel est le profil des mères infanticides?

Ces femmes sont dans un état de détresse sociale, quel que soit leur milieu. C’est-à-dire sans soutien, isolées et dans une grande misère affective même si elles sont en couple. Leur grossesse n’est pas désirée et le bébé n’est pas investi affectivement. Mais il n’y a généralement pas de déni de grossesse. L’infanticide est une solution radicale pour se débarrasser de ce qu’elles considèrent comme un problème. Elles peuvent très bien avoir d’autres enfants qui, eux, ont été investis affectivement. Dans ce dernier fait divers, il y a apparemment eu une récidive. C’est tout à fait étonnant. Ce sera intéressant de savoir si cette femme a elle-même été maltraitée pendant son enfance et si elle est dans une forme de reproduction.

Comment s’explique le geste de congeler les corps comme l’avait fait Véronique Courjault?

C’est toujours mystérieux. On peut évoquer une solution d’attente, le manque de courage de jeter les corps, la culpabilité. Ce n’est certainement pas pour les «collectionner» comme les serial killers collectionnent les trophées. Le congélateur peut tout simplement leur sembler le moyen le plus simple de se débarrasser des corps.

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