Habdaphai ou la nécessité de l’Art comme un vent de liberté

Exposition jusqu’au 20 mai 2023 à Tropiques-Atrium
— Par Dominique Daeschler —

Assis sur la plage, l’homme a peur « de prendre sommeil ». Du ressac échoue sa mémoire de bois flotté. Dans l’écume, dans le haut de la vague, surgissent des huniers, des misaines, des brigandines … Ce sont autant de drapeaux qui déclineraient, aux caprices du vent, les noms de leurs embarcations : esclavage, colonisation, post-colonialisme, néo-colonialisme, décolonisation, négritude, antillanité, créolité, créolisation, woke attitude, cancel culture…Une Armada tangue au gré des flots. Parodiant Hamlet, l’homme se dit que la mer est hors de ses gonds. Construction et déconstruction. Tout se mêle, tout se détricote… Où sont les timoniers ? Voilà que l’on replie les ris des voiles comme on relit l’Histoire, chahutant ou magnifiant la tradition. Pourtant il faut compter avec la prise au vent, tirer sur les haubans ou lâcher c’est selon.

Sur le sable, le bois flotté et le soleil entrent en « coulée ».La tempête, dans sa violence, coule, fracasse les navires. L’homme se jette à l’eau, arraisonné par tous ces noms lourds de sens, porteurs d’espérance, de désespoirs, livrés aux interprétations, aux dénis, aux défis. Il n’est pas cargaison, il ne peut être arrimé. Alors il reconstruit, fabrique son propre bateau. S’il fouille l’antan, il se nourrit des embruns, de l’instant et de son temps sans usure. Allégé, son esprit navigue, prend la barre et défie l’horizon. C’est lui le mât, «  le poteau du ciel, le pilier cosmique ». Son imaginaire est hissé en grand-voile, refusant le repli, éloignant les absolus, fier de la conquête de soi, assumant ses prises de risque artistiques . Le voici qui cabote et conte. D’escale en escale, il dit la force de ses vagabondages qui le donnent au monde.

A l’amarrage, entre insolence et provocation, le roulis balance créativité et Création, clamant comme un mantra, la nécessité de l’Art comme un vent de liberté.

Dominique Daeschler