— Editorial de Viktor Lazlo, fondatrice du festival —
Le temps passe de plus en plus vite et, de cet hôtel, face à la mer, nous osons rêver qu’il nous accorde quelques points de suspension. Pour nous poser et réfléchir. Car dans l’histoire du monde, rien ne s’est écrit rapidement. Aucun sursaut n’est advenu sans que des couches et
des couches d’expériences successives, de tragédies souffertes et de beautés observées ne donnent naissance à un jour nouveau.
Des siècles d’intelligence et d’hérésie cumulées ont fait advenir la réalité qui est la nôtre
aujourd’hui.
La colonisation des puissances occidentales, le pillage des richesses de la terre, le développement industriel, le saccage de la planète, la course effrénée vers la conquête d’un ailleurs qui servira peut-être… dans un autre film, tout cela a émergé lentement, tranquillement au fil de générations et de générations d’hommes et de femmes qui, à quelques exceptions près, n’ont rien vu venir.
La littérature, qu’elle soit prose, poésie ou essai s’inscrit tout naturellement dans ce long cheminement vers la maturation et vers sa propre maturité. Alors nous essayons, avec cette parenthèse enchantée qu’est le Festival en Pays Rêvé, d’ouvrir à nouveau ces espaces où la lenteur est un trésor.
En 2025, année qui célèbre le centenaire de la naissance de Frantz Fanon, pour sa quatrième édition, le festival accueille des autrices et auteurs qui touchent au cœur de cette notion, bien qu’elle soit diffuse et déployée dans des contrées et des univers parfois aux antipodes, avec la lente résilience du génocide ruandais, la guerre blanche de Finlande, l’Algérie de l’indicible, la Martinique des békés, la Rome éternelle transcendée par une plume haïtienne, les territoires du féminisme, le corps noir comme terrain de toutes les blessures, de toutes les conquêtes, la mondialisation à travers l’histoire d’une aventurière, la transition des corps et la prostitution, mais aussi la beauté et la cruauté de nos histoires caribéennes, aujourd’hui et à l’heure des Taïnos, la poésie sociale comme fol espoir de survie et le bèlè comme conscience de nos résistances.
L’heure est sans doute grave mais comme le dit le proverbe : « un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse ». Et c’est pour cette forêt qui pousse que nous sommes là car nous savons qu’elle portera, en son temps, la clé d’un monde nouveau.
Alors levons les yeux vers le ciel, respirons un bon coup et écoutons ces voix qui nous soufflent quelques paroles de sagesse.




