Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racistes

A Madiana

— Par Franck Nouchi —

qu_est_ce_qu_on_a_fait

Plus de trois millions d’entrées en deux semaines ; 32 % de part de marché : Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, le film de Philippe de Chauveron, fait actuellement exploser tous les compteurs du box-office français. Accueil critique ? Inexistant, aucune projection de presse n’ayant précédé sa sortie. Bouche-à-oreille ? Exceptionnel, à tel point que les deux plus gros succès du cinéma français, Intouchables (19,44 millions d’entrées) et même Bienvenue chez les Ch’tis (20,48 millions) ne paraissent pas hors d’atteinte.

Visible sur Internet, l’efficace bande-annonce laisse présager le pire : 1,58 min de clichés raciaux ou racistes, on ne sait trop, en tous genres. Quel est donc ce film qui fait salle comble aussi bien à Paris qu’en régions ? Un ersatz cinématographique des thèmes chers au Front national ? L’affaire est plus compliquée.

Claude Verneuil, catholique, gaulliste et notaire de son état, et madame vivent dans une splendide maison de maître à Chinon, en Indre-et-Loire. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si trois de leurs quatre charmantes filles n’avaient eu la malencontreuse idée d’épouser l’une un Arabe musulman, l’autre un juif séfarade, la troisième un Asiatique, vraisemblablement d’origine chinoise. Comme le dit cet excellent M. Verneuil, les déjeuners de famille sont devenus de véritables « réunions de la Licra ».

Pauvres Verneuil ! Eux qui espéraient tant arriver à bien marier leurs filles… Il leur faudra tout supporter, y compris la circoncision de leur petit-fils et le souhait de leur gendre – David Benichou, original n’est-ce pas ? – de voir le prépuce du cher petit enterré dans leur parc.

Heureusement, les trois gendres ne sont pas de mauvais types. L’un est banquier, l’autre homme d’affaires, le troisième avocat. Et quand, un soir, ils se mettent à chanter La Marseillaise, la main sur le cœur, face à leur beau-père, ce dernier ne peut que rendre les armes : on peut donc être à la fois français et patriote, sans être tout à fait blanc et catholique.

Hélas pour M. Verneuil, son calvaire n’est pas terminé. Voilà que sa quatrième fille, une charmante blonde, vient lui annoncer, ainsi qu’à sa femme, qu’elle va épouser Charles, un catholique… ivoirien. Catastrophe ! Il ne manquait plus qu’un Noir dans la famille Verneuil ! D’où le titre du film, vous l’aurez compris.

Passons sur l’avalanche de clichés en tous genres – à en juger par les rires qui fusent dans la salle, certains font mouche. Et retenons simplement cette remarque de David Benichou : « On est tous un peu racistes… » Car voilà bien l’idée centrale du film : quelles que soient notre religion et nos origines, nous serions tous, catholiques, juifs, musulmans, Chinois, Ivoiriens… un petit peu racistes. Surtout les hommes (les femmes, elles, semblent moins perméables aux préjugés, plus naturellement enclines à la tolérance et à l’altérité).

Lire la suite sur Le Monde
Lire aussi la critique du Jdd