Fabien Wesner Fleurant, un artiste confirmé

— Par Jean-Robert Léonidas* —

Je viens de découvrir un artiste confirmé et je suis désolé de ne pas pouvoir être à Larchmont, N.Y. pour apprécier toute la panoplie de ce one-man-show, étant plutôt à l’autre bout du monde, dans la Grand-Anse profonde baignée de ses quatre rivières. Cependant j’ai vite apprécié le tableau ci-dessus présenté comme modèle. Et j’ai envie de me dire : Va cours , vole et engrange !

Côté médecine et scientifique mis à part, nous sommes heureux de présenter un artiste qui a pénétré avec succès dans le sanctuaire des couleurs et des ombres. Une idée m’est soudain venue en tête, port-au-princienne, je dirais, comme la naissance et la jeunesse de l’artiste. Que dis-je ? Une idée plutôt toute haïtienne. Un mythe provincial et créole, celui de l’arc-en-ciel qui se désaltère dans le courant d’une rivière et dont un plasticien a volé le bonnet. Alors le voleur d’arc-en-ciel, mieux qu’un voleur de pervenche, s’enrichit à l’instant. Pas nécessairement en pognon. Mais en inspiration, en rêves, en pouvoir de composition, en manipulation maitrisée de la roue des couleurs. Et, à mon sens, Fabien Wesner Fleurant, fin voleur d’arc-en-ciel, a dépassé ce mythe régional pour atteindre l’art universel. Sans région. Sans frontière.

Et comment ! Dans ce tableau présenté pour illustrer son Solo Art Show sous le titre « Feelings », il a automatiquement fait appel aux sept fameuses couleurs de l’iris, violet, indigo, bleu, vert, jaune, oranger, rouge. Il les a nuancées, arrangées bien sûr de façon originale, mais il a cassé leur ordre et leur visage comme dans un puzzle, comme un Picasso avec les demoiselles d’Avignon. J’y découvre, quant à moi, une nature bouleversée et bouleversante, une verdure qui murit et qui jaunit, frappée par un cyclone, des nuages et des moutons blancs qui s’enfuient. À moins que ce ne soit mon interprétation personnelle, mon propre tremblement intérieur. L’artiste en tout cas, dans cette œuvre non-figurative, bouscule les feelings, les émotions, avec une sauvagerie maîtrisée. L’utilisation des couleurs vives, à n’en pas douter, fait un clin d’œil remarquable au fauvisme.

Bravo Fabian Wesner Fleurant pour ce travail qui me plaît, me désarçonne et réveille l’imaginaire en moi.

*Jean-Robert Léonidas, médecin et écrivain, a cosigné avec le photographe Frantz Michaud un superbe ouvrage bilingue sur l’art haïtien Rêver d’Haïti en couleurs = Colorful dreams of Haiti, Cidihca, Montréal 2009.