Ex position : Mini Formats des Avents

Jusau’au 10 janvier | Cabinet médical des  Drs Jean-Laurent

— Par Philippe Charvein —

Rassemblées dans la pièce principale du Cabinet médical des Dr Charles JEAN-LAURENT et Dr Medhi JEAN-LAURENT, les œuvres qui constituent l’exposition : « Mini Formats des Avents » déclinent – à l’envi – leurs formes, leurs couleurs et leurs messages.

D’un point de vue symbolique, elles apportent douceur et bien-être aux femmes accueillies dans ce cabinet et qui souvent… « attendent » un heureux évènement…redoublant ainsi le travail des praticiens dont la tâche consiste précisément à veiller au bien-être physique et mental de leurs patientes au seuil d’un tournant existentiel et humain.

Notons la présence de petits textes poétiques qui viennent redoubler le « discours » pictural, démultipliant dans le même temps les possibilités de l’Art invitant l’humain à redécouvrir les siennes.

Dix artistes, en effet (Victor ANICET, Julie BESSARD, Nadia BURNER, Carole BUTTIN, Marie GAUTHIER, Karine JOSEPH-ROSE, HAMID, ISKIAS, Pierre MONTAGARD, Martine PORRY), nous proposent des réalisations diverses, relevant aussi bien du dessin, du collage, de la peinture que de la céramique.

Dix artistes qui font donc le choix du « Mini Format » pour mieux nous inviter à redécouvrir…l’essentiel ; ce qui, à leurs yeux, donnent – et redonnent – du prix à notre vie, à notre condition d’êtres humains ; à ce qui nous fait au plus intime de nous-mêmes.

« Mini Formats », en effet, ou le choix affiché d’un médium permettant – peut-être- un échange plus intime avec le visiteur-la visiteuse, invité-invitée à « attendre » ce souffle supérieur – souffle divin – qui viendra donner une nouvelle impulsion à son être…une nouvelle « naissance ».

Cinq axes peuvent ainsi être dégagés s’agissant de l’exposition qui nous est proposée.

Cinq axes articulés, selon nous, autour du mot « redécouverte ».

I) Une redécouverte de l’inspiration mâtinée de transcendance, à la base même de chaque existence.

II) Une redécouverte des visages et du corps ; symboles d’identité humaine.

III) Une redécouverte des valeurs et des aspirations parmi les plus fondamentales ; au cœur même de l’intégrité profonde de l’être.

IV) Une redécouverte des éléments premiers – et primaires – symboles de puissances et de dynamiques régénératrices.

– V) Une redécouverte de ce qui constitue la culture et la richesse patrimoniale de notre pays.

Les « Mini Formats des Avents » qui nous sont proposés, nous invitent donc à redécouvrir cette inspiration mâtinée de transcendance, censée donner son assise supérieure à chaque existence humaine.

Les œuvres de Marie GAUTHIER illustrent parfaitement cette veine. Qu’il s’agisse, en effet, des toiles regroupées sous le titre « En apesanteur », de la toile énigmatique « L’âme chair » ou des toiles regroupées sous le titre « Rouge divin », nous sommes d’emblée sensibles à cet au-delà supérieur et « divin » constituant aussi – aux yeux de l’artiste – notre être moral ; à cette élévation spirituelle vers un infini.

S’agissant de la première toile que nous avons mentionnée, nous constatons immédiatement cette atmosphère éthérée et onirique que matérialisent particulièrement bien le bleu ambiant et le blanc – aux allures d’absolu – nimbant les curieuses formes engagées dans un ballet aérien inattendu.

Hymne à la légèreté et à la grâce sous le pinceau de Marie GAUTHIER…nous donnant à admirer le vol d’une « âme » en quête de perfection et d’un nouvel agencement…une âme libérée des pesanteurs de toutes sortes !

Quelle est cette forme déroutante et énigmatique s’offrant à nos yeux sur la toile intitulée « L’âme chair » ? Que représentent ces nombreux tracés nous inscrivant au cœur d’innombrables entrelacs et autres dédales ?

Selon le titre mis en avant, l’artiste aurait pour ambition de…donner chair humaine à l’âme humaine ; de figurer le caractère complexe et indéchiffrable de cette part intérieure de nous-mêmes ; une part qui vivrait pourtant de manière intense, à en juger par les tracés en rouge s’imposant comme des… « pulsations » ou des « battements » ; comme des influx nerveux faisant écho à une vie interne.

Des tracés en rouge, nous aboutissons carrément à un…carré rouge dont la finalité serait précisément de mettre en évidence ce signal divin…au cœur même (ce signal étant, à proprement parler, au milieu de la toile) de chaque être humain.

Ce Rouge divin récapitulant en lui toute l’inspiration vitale animant, redoublant chaque cœur. D’un point de vue symbolique, il est intéressant de constater que le « carré » s’estompe au fur et à mesure, au point de devenir une réalité informelle oblongue…manière, sans doute, pour l’artiste, de préfigurer une nouvelle forme en préparation dont la force future est annoncée par l’aura qui l’environne déjà.

Une nouvelle forme qui surpasse toujours l’agrégat de pointillés (constituant les bords de la toile) censé figurer la multiplicité des vies individuelles…bien insignifiantes par rapport à ce signal lumineux, symbole de grandeur et d’épaisseur aux yeux de l’artiste !

Faut-il rechercher et redécouvrir cette inspiration mâtinée de transcendance dans les dessins d’enfance ; dans « nos » dessins d’enfance, réalisés à un moment où la raison sertie de certitude ne nous dictait pas encore notre façon de voir et d’appréhender le monde ?

Interrogation qui, semble-t-il, caractérise les deux dessins de Martine PORRY regroupés sous le titre : « Petit Poème ordinaire en couleurs » et sur lesquels il nous est possible de voir des formes étranges, évoluant dans un milieu coloré, non dénué de fantaisie. Illustration, en effet, sous les crayons de l’artiste, d’un nouveau milieu biologique, constitué de « cellules » d’un nouveau genre parsemant la matière de leur injonction joyeuse !

Notons cette association des mots (« Petit Poème ») et des formes dessinées, témoignant de cette volonté, chez l’artiste, peut-être à l’instar des enfants colorant au gré et au rythme de leur inspiration, de figurer une autre réalité ; une autre matière où les maîtres mots seraient avant tout : exubérance et euphorie !

Redécouvrir les visages dans leur perspective absolue ; porteurs de l’identité humaine : telle est la perspective qui nous est offerte à l’occasion de cette exposition

Nous pouvons, dans cette optique, relever les toiles de Karine JOSEPH-ROSE.

Toiles dont la particularité est de juxtaposer des visages féminins, sans doute dans une perspective de valorisation et de réhabilitation. Des visages sublimés (par les couleurs, les lunettes, les yeux) et dont on devine qu’ils récapitulent – chez chacune de ces femmes – une volonté d’être, de soutenir un regard, de fixer un objectif, un horizon, d’afficher une présence au monde, de défendre une personnalité.

Sans multiplier les éléments, mentionnons les lunettes amples – presque protubérantes – traduisant symboliquement une volonté d’ « englober » l’extérieur envisagé, d’explorer un champ des possibles plus élargi…de « sortir du cadre » qui serait imposé.

La forme ronde des lunettes n’est pas, en effet, sans évoquer une totalité certaine ; décuplant ainsi la valeur du visage féminin souhaitant s’y intégrer.

D’un point de vue symbolique, cette totalité visible par le biais des lunettes, est redoublée par les multiples cercles colorés magiques qui prennent – littéralement – source au niveau de l’ « oreille », elle-même magique, d’une autre femme dont le « visage », aussi bien informel qu’énigmatique, s’impose à nous. Visage énigmatique de celle que l’on voudrait – peut-être faire taire – mais qui est à l’écoute de tous les « bruits » du monde ; celle dont l’ « oreille » magique la connecte à toutes les sonorités.

Nous pouvons, enfin, remarquer cet autre visage de femme qui semble « pris » dans des attaches. Visage qui n’exprime pourtant aucune souffrance et nous inscrit en présence d’une femme parvenant à maintenir intacte son intégrité. Visage d’autant plus important qu’il est mis en valeur comme une réalité précieuse !

Après les visages, l’occasion nous est aussi donnée de…redécouvrir le « corps » ; le corps porteur également de l’identité humaine ; le corps symbole – aussi – de grâce et de sensualité.

Cette perspective est illustrée à travers les deux toiles d’ISKIAS regroupées sous le titre : « Toilette de Florie ». Toiles sur lesquelles il nous est possible de voir une femme au moment de son bain.

Occasion, pour nous, d’apprécier tout d’abord la proximité phonique (presqu’une paronomase) entre le nom de cette femme : « Florie » (selon toute vraisemblance) et le terme « Fleur » ; lequel renvoie à ces fleurs qui semblent se « fondent » et se « confondent » avec la femme…et qui, d’un point de vue métaphorique, enveloppent cette dernière de beauté, de douceur et d’élégance.

Manière, pour ISKIAS, de célébrer le corps féminin qui, tout en s’exposant à nos yeux, garde malgré tout une certaine part secrète…une certaine pudeur !

Evoquons, à ce propos, cette ambivalence entre transparence et « semi-obscurité » par le biais de laquelle « Florie » marque précisément sa présence physique tout en étant saisie dans une… « irréalité » inédite…ce qui lui permet –sans doute – de soutenir notre regard alors qu’elle est dévêtue.

Le plus important, pour ISKIAS, est cette célébration du corps féminin, symbole de florescences et d’éclosions…de renaissance, même !

Mini Formats des Avents, ou l’occasion – privilégiée – d’une redécouverte des valeurs et des aspirations parmi les plus fondamentales, au cœur même de l’intégrité profonde de l’être.

Parmi ces valeurs et ces aspirations, nous trouvons d’abord la liberté, le respect de l’intégrité et de la dignité de l’être ; lesquelles valeurs sont matérialisées par le visage de celui-ci, son désir de se projeter.

Perspective illustrée à travers les dessins énigmatiques d’HAMID, articulés autour de tel ou tel être qui ne l’est pas moins.

Evoquons, par exemple, cet étrange oiseau, saisi dans un univers aussi bien informel que concentrationnaire. Oiseau dont « l’être » même semble lui-même entravé par des « barbelés » et dont l’objectif – malgré tout – reste d’ « ETRE » (mot écrit en lettres capitales).

La position même de l’oiseau ne manque pas de nous interpeller : position de l’être prêt à toutes les contorsions pour fixer l’idéal vers lequel il aimerait se projeter…loin, bien loin de toutes ces lignes de décompte lui rappelant son enfermement et sa relégation.

Evoquons maintenant ce visage énigmatique bleu nous regardant intensément – avec effroi ? – de ses yeux étranges, en forme d’ailes…avec, dessiné devant lui, un frêle oiseau. Visage de celui qui fixe l’idéal de la liberté ; tellement fragile qu’il pourrait être effacé ou gommé…et qu’il nous invite précisément à consolider !

Pour Nadia BURNER, deux autres valeurs sont incontournables : la reconnaissance de la femme en tant que telle et la reconnaissance – par nous-mêmes – de l’Histoire qui est la nôtre.

Deux toiles s’imposent à nous à cet égard : celle où il est possible de voir une…gymnaste occupée à des contorsions parmi les plus compliquées et supportant, de surcroît, un coq. Belle illustration métaphorique, aux yeux de l’artiste, de la condition féminine : faite de pesanteurs de toutes sortes !

Le visiteur-La visiteuse appréciera la dimension métaphorique de ce coq trônant fièrement !

S’agissant de la deuxième toile mentionnée, l’élément important est ce…masque noir qui s’impose comme une deuxième peau. Manière, pour Nadia BURNER, de souligner l’impossibilité, pour nous, d’échapper à une Histoire constituant notre être, notre identité. Belle illustration artistique et métaphorique du métissage caractérisant notre humanité !

Mini Formats des Avents, ou l’occasion d’une redécouvertemâtinée de réflexion quasi-philosophique – de la vie…depuis les commencements de celle-ci.

Perspective illustrée dans les réalisations de Pierre MONTAGARD, regroupées sous la « Série Emotions ». Réalisations bien surprenantes au demeurant, associant habilement le collage, la peinture et le papier peint…comme s’il s’agissait ainsi pour l’artiste de consigner, de « restituer » – sur une sorte de parchemin – l’histoire de la vie ; depuis la glaise primaire, en passant par la première feuille, jusqu’à la trace plus indélébile occasionnée par ces branches qui, à l’instar de « veines » commencent à s’imprimer dans l’informel du néant.

Le terme « Emotions » traduit peut-être le sentiment qui nous étreints devant le caractère ténu de ces premiers éléments desquels a pourtant surgi la vie…alors que rien ne le laissait présager.

Après le caractère ténu des premiers éléments, place à la démesure caractérisant d’autres éléments ; d’autres éléments qui restituent les puissances primaires de notre monde.

Cette perspective est illustrée par les toiles de Julie BESSARD et de Carole BUTTIN. Quatre toiles (pastel à l’huile) faites de zébrures et un triptyque. Notons, d’emblée, chez ces deux artistes, le choix d’un chiffre non dénué d’une valeur symbolique car porteur de totalité, de…perfection !

Quatre toiles pour mieux figurer ainsi un monde des éléments régénéré – à chaque fois – de puissances nouvelles ! Monde de présences, même et de fureurs, où la vie explose !

Un triptyque pour mieux figurer une mer qui se déploie inexorablement dans toute l’injonction de sa beauté et de son ampleur…une mer aux différentes teintes de bleus, parsemée d’éclaboussures de blanc…puissance positive aux élans d’absolu !

Mini Formats des Avents, ou une redécouverte de ce qui constitue la culture et la richesse patrimoniale de notre pays.

Perspective qui rassemble les toiles d’ISKIAS et les structures en céramique de Victor ANICET.

Point commun rapprochant ces œuvres : l’emploi du procédé de la juxtaposition, comme s’il s’agissait, pour les deux artistes, de matérialiser une dynamique certaine propre à la vie sur une terre insulaire des Tropiques.

S’agissant des premières réalisations, nous sommes, par exemple, sensibles à cette végétation dense que rehaussent trois fleurs rouges démesurées, recouvrant un barbecue.

Illustration symbolique d’une nature qui reprend ses droits lorsque les humains sont…attablés au restaurant !

Même optique sur la toile où il est possible d’observer un régime de bananes bien fourni, symbole d’une vitalité naturelle certaine, rehaussée, qui plus est, par cette couleur marron qui confère à l’ensemble une atmosphère préservée…plus authentique.

Authenticité, il en est aussi question sur cette autre toile où une marchande est saisie au cœur même de son activité ; de ce « geste » effectué des deux mains par le biais duquel elle assure la promotion du patrimoine naturel de son espace.

S’agissant des structures en céramique proposées par l’artiste plasticien, l’élément fondamental est la mise en relation de formes quasi-personnifiées et de structures inertes, constituées à partir d’éléments de la terre du Marigot.

Manière, pour l’artiste plasticien, de figurer précisément un dialogue entre ces réalités constitutives d’une terre qui l’a vu naître…assurant sa permanence à celle-ci !

Philippe CHARVEIN, le 11/12/2025