États-Unis. Ablations de l’utérus à la chaîne dans un centre de détention de migrantes

Une infirmière, lanceuse d’alerte, révèle des pratiques quasi systématiques conduites sur des immigrées latino-américaines dans un camp d’internement en Géorgie. Terrible avatar du climat xénophobe exacerbé par la Maison-Blanche.

À leurs conditions de détention infra-humaines s’ajoute une pratique massive de l’ablation de l’utérus. L’enfer vécu par des femmes détenues à Irwin en Géorgie, dans un centre de détention de l’US Immigrations and Customs Enforcement (ICE), l’agence de police douanière et de contrôle des frontières du département de la Sécurité intérieure des États-Unis, vient d’être révélé par une infirmière lanceuse d’alerte qui y travaille. Quatre ONG (1), qui ont décidé de porter l’affaire devant les tribunaux pour violation caractérisée des droits humains, dénoncent l’attitude et la responsabilité de l’administration Trump.

«C’était comme s’ils faisaient des expériences avec nos corps »

La plainte s’appuie sur la force du témoignage de l’infirmière, Dawn Wooten, en poste depuis trois dans l’établissement de quelque 1 200 places, géré par LaSalle Corrections, une compagnie privée (en vertu d’un processus de privatisation des lieux de détention devenu banal aux États-Unis). La courageuse jeune femme révèle dans sa plainte et dans l’interview qu’elle a accordée au média états-unien en ligne The Intercept le taux très élevé, quasi systématique, d’hystérectomies (ablations de l’utérus) pratiquées sur des détenues hispanophones. Elle accuse l’un des médecins du centre de pratiquer ces opérations à la chaîne. « C’est sa spécialité, c’est un collectionneur d’utérus ! » s’exclame-t-elle.

Une victime interviewée par Project South, une des quatre ONG à l’origine de la plainte, a déclaré : « Quand j’ai rencontré toutes ces femmes qui avaient eu des opérations chirurgicales, j’ai pensé que ça ressemblait à un camp de concentration expérimental. C’était comme s’ils faisaient des expériences avec nos corps. » Une autre a indiqué ne pas avoir été anesthésiée durant l’opération. Une troisième dit avoir consulté le médecin pour le drainage d’un abcès et avoir subi en fin de compte une hystérectomie.

L’infirmière lanceuse d’alerte avait commencé à dénoncer en interne cet abus d’hystérectomies ou encore l’absence de mesures de protection contre le Covid-19. Son employeur l’a sanctionnée, début juillet dernier, ne l’autorisant à travailler que quelques heures par mois dans l’établissement alors qu’elle y fonctionnait jusque-là à plein temps. « Des représailles », pointe-t-elle dans The Intercept, pour la punir « d’avoir parlé et réclamé des protocoles de sécurité médicale plus stricts ».

Un climat de phobie identitaire

Le dossier de l’accusation s’appuie également sur les déclarations d’un autre membre de l’équipe médicale, resté anonyme, et de quatre personnes internées aujourd’hui dans le centre ou qui l’ont été récemment. Interrogée par The Intercept, Priyanka Bhatt, avocate de l’ONG Project South, estime que ces révélations ne font que confirmer ce que les migrantes détenues rapportent depuis des années : « Une grave indifférence pour les standards de santé et de sécurité, un manque de soins médicaux et des conditions de vie insalubres. »

Le climat de xénophobie, de chasse aux migrants latinos, mais aussi de phobie identitaire entretenu par une administration Trump si sensible aux délires du « grand remplacement », cultivé par les suprémacistes blancs, n’est pas sans résonner avec cette terrible dérive. Mais « le centre d’Irwin, prévient l’ONG Project South, est loin d’être un cas isolé. »

(1)  Les ONG qui ont porté plainte sont, outre Project South, Georgia Detention Watch, Georgia Latino Alliance for Human Rights et South Georgia Immigrant Support Network.

Source : L’Humanité