« En marge du cahier » : adaptation théâtrale libre de « Chemin d’école » de Patrick Chamoiseau.

11 représentations en Martinique (du 10 avril au 16 mai 2014)

en_marge_du_cahierLes ti-marmailles, conquistadors à l’assaut de leur imagination, tout à l’émerveille de vivre, assoiffés de découvrir, d’apprendre et de communiquer se retrouvent sur les bancs de l’école coloniale française. On est en Martinique, dans les années 1960.Le maître d’école est raide-piquet dans son déni du créole qu’il abjecte convaincu que l’émancipation des siens passe par la négation de leur langue et de leur culture. Son lyrisme ne sert qu’une seule mission: enseigner, voire imposer degré ou de force, la langue et la culture françaises dominantes. Gros-Lombric, petit-bougre bleuté, est l’un de ses petits élèves. Petit génie en calcul, il est pourtant vite voué à l’échec. Irrémédiablement incompris, humilié et exclu par le maître qui le rembarre dans les confins de son irréductible « langue manman» et ses origines africaines, Gros-Lombric vise vite d’autres horizons et patiente sur son banc d’écolier aux côtés du Négrillon. Le Négrillon, lui, est presque devenu muet, bâillonné par cette hargne à l’encontrede ce qui fait sa vie mais Man Ninotte, sa mère, ne supporte pas que l’on conteste l’école. Avec toute son énergie de femme pauvre et illettrée, elle accompagne, surveille, encourage, traque la moindre défaillance de ses enfants…Le Négrillon s’imprègne petit à petit de l’adoration du Maître pour les livres. Comme lui, et ce avant même de savoir lire, il les ouvre avec respect, s’évertue à faire coïncider sa délirante imagination aux nombres de lignes d’une page, vit d’intenses bonheurs à faire naître une lettre, un mot…une phrase…il joue, les remanie, sans cesse, autrement…laissant son esprit créole moissonner, par delà les mers, des mots-france. Argile verbale, musique des mots qui ne devait plus s’arrêter puisque, depuis, Patrick Chamoiseau a écrit nombre de romans, essais, contes…dont « Texaco », récompensé par le Prix Goncourt en 1992.

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EN MARGE DU CAHIER
Libre adaptation de « Chemin d’école » de Patrick Chamoiseau (Prix Goncourt)

CIE CAR’AVAN
THÉÂTRE AVEC
JEAN L’OCÉAN
MISE EN SCÈNE
LAURENCE COUZINET-LETCHIMY
Création lumières: Jean-Claude Lysi
Création musicale: Cédric Billard
Costumes: Marylène Joly-Pascal
Accessoires: Jean-Laurent Ciredem
Public: Adultes (et à partir de 14 ans)
Durée: 1H05

Tournée 2014 à la Martinique
Certaines représentations se feront en présence de l’écrivain, Patrick Chamoiseau (échange avec le public à la fin du spectacle).

-le 10 avril 2014 : au Théâtre Aimé Césaire-Fort de France (représentation scolaire)
-le 11 avril 2014 : au Théâtre Aimé Césaire-Fort de France (représentation scolaire)
-le 29 avril 2014 : au Centre Culturel-Trinité (2 représentations scolaires à 9h & 14h)
-le 3 mai 2014 :à 19h30 à la Maison des Associations – Gros Morne(Tout public)
-le 5 mai 2014 : à la Maison des Associations – Gros Morne (représentation scolaire)
-le 9 mai 2014 : au Centre Culturel de Rencontre Fonds Saint-Jacques (représentation scolaire) – Sainte-Marie
-le 10 mai 2014 : au Centre Culturel de Rencontre Fonds Saint-Jacques (Tout public) – Sainte-Marie
-le 15 mai 2014 : au Centre Culturel du Bourg (représentation scolaire) – Lamentin
-le 16 mai 2014 : au Centre Culturel du Bourg (représentation scolaire) – Lamentin
le 16 mai 2014 : au Centre Culturel du Bourg Lamentin (Tout public)

Avec le soutien de la Bibliothèque départementale de prêt de la Martinique (BDP), de la Délégation Académique à l’éducation Artistique et à l’Action Culturelle de la Martinique (DAAC), du Conseil Régional Martinique, du Conseil Général de la Martinique et des municipalités de Fort de France, Lamentin, Gros-Morne, Trinité, du Centre Culturel de Rencontres Fonds Saint-Jacques (à Sainte-Marie) et du Crédit Agricole Martinique-Guyane.

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Laurence Couzinet-Letchimy qui signe l’adaptation et la mise en scène d ‘« En marge du cahier » est, à l’origine, danseuse. Artiste chorégraphique, elle aspontanément été amenée à apporter une « chair » à l’adaptation théâtrale de l’oeuvre littéraire de Patrick Chamoiseau.

Confrontée à travailler la seule matière de son corps comme outil d’expression pour générer de la beauté, de l’émotion, du sens et des « mots », elle a apporté enretour une visibilité quasi charnelle à l’immatérialité des mots de l’auteur et Jean l’Océan porte le texte de Patrick Chamoiseau avec un instinct quasi animal.

« Jean l’Océan possède une élégance de style qui aborde les mots en jouant avec les ondulations de son corps… N’hésitant pas à jouer avec les silences, il ouvre unhorizon où le suspens prédispose à servir l’imagination. » L’EST REPUBLICAIN Le sens du rythme de Laurence Couzinet-Letchimy qui a grandi en Afrique Noire, sa connaissance de la scène et son expérience de la création ont permis de peaufiner l’adaptation, appelant par ici de nouvelles coupes, par là des échappées pour établir un pont avec le public, la dynamique d’un spectacle obéissant à d’autres rythmes que l’écrit et chacun ayant sa musique propre.

Le risque étant bien réel de s’égarer dans une illustration pâle, illustrative ou édulcorée du texte d’origine, elle s’est positionnée comme plasticienne qui crée d el’espace et ose toutes les formes envisageables: marionnettes, détournement d’objets, représentations symboliques, esprit du conte, chorégraphie ou jeu théâtral, chant…apportant aux mots de Patrick Chamoiseau des images nouvelles quoique respectueuses, des libertés inattendues dans lesquelles le public peut s’engouffrer pour bâtir son propre ressenti.

«La langue de Jean l’Océan a la dextérité d’un chat juste après l’affût et les mots fusent. Dans le vrombissement d’un silence surnaturel, animal et malin. La salle est en alerte. Les sentiments sont de sortie. Le vocabulaire est crypté et une flopée de sensations s’expriment d’un coup en nous, surgies du néant muet. L’assistance est suspendue aux lèvres de ce clown…» SUD OUEST Ce travail a été aussi mené avec le recul que donnent les années écoulées.

Cette distance est tout d’abord donnée par Chamoiseau lui-même: quoique récit autobiographique, Chamoiseau écrit l’enfant qu’il était à la 3ème personne prenantpar là-même distance et hauteur avec les évènements comme le fait un conteur qui narre un personnage en restituant à son auditoire son ressenti et ses propres images.En procédant ainsi, l’histoire se double toujours d’interventions ayant pour fonctions de prendre le lecteur (ou le public) pour témoin.

Mais cette distance est aussi présente en ceci qu’un irréductible humour imprègne l’écriture de Chamoiseau et comme lui par exemple, Jean l’Océan use du créole lorsque la parole est donnée à la mère du « Négrillon », Man Ninotte. Non pas de façon ostentatoire ce qui risquerait de tourner au cliché, sous prétexte d’effet du réel, mais plutôt en vue d’ouvrir la parole à la pluralité du public qu’il ne faut pas enfermer dans un espace linguistique.

Et plus encore que le créole, c’est l’essence même de l’oralité alors qui déploie toute sa dynamique, toute sa potentialité sonore, souvent poétique et humoristique, donnant une indéniable verve à certaines expressions.

« Il a ramené de chez lui un savoir parler envoûtant … Et il en joue »LA NOUVELLE REPUBLIQUE Jean l’Océan est conteur, « Marqueur de Paroles » dit-on aux Antilles, et comme Chamoiseau qui aime à les écouter, à recueillir leurs récits, à malaxer la terre glaise de leurs multitudes, il aime jouer avec les sons et les mots pour frapper les imaginaires.

La musicalité des mots, des langues mais aussi des compositions musicales qui accompagnent certains passages tiennent une place importante dans cette adaptation.

La puissance suggestive des musiques retenues contribuent à créer des liens avec l’ « antan » et l’ « ailleurs », reliant l’anecdotique à l’universalité. Le chant bèlè que lance Jean l’Océan sur son tambour est un contrepoint sonore au mépris du Maitre d’école pour sa propre négritude. La chaussure qu’il ôte pour jouer de son pied sur la peau du tambour, comme le font les « tamboués » aux Antilles, devient le temps d’une phrase musicale un navire négrier sur les vagues de sa traversée de l’Atlantique…