« Ego sum », de Manuel Césaire

Ego sum,
Je suis.
Sumus,
Nous sommes.
Être. Être absolument, sans dépendance.
Être non par le regard de l’autre mais par la connaissance de son propre être.
C’est moi,
C’est nous.
Être.
Mi mwen, mi wou,
Mi nou.
Ego sum, sumus.
Du point de départ au terme final,
Et du chemin retour,
De l’abscisse à l’ordonnée et de cette intersection existentielle.
L’être sans prisme, sans filtre et sans découpage.
De ce postulat-substrat irrévocable qui ne nécessite nulle proclamation pour… être.
Être : ce tonnerre fracassant fondateur d’existence,
Ce big-bang énigmatique et implacable,
Cette affirmation existentielle sereine et irréfutable.
Non un bruyant rugissement mais un hymne silencieux dans un étirement temporel,
Qui ne nécessite ni déclaration préalable,
Ni autorisation,
Ni approbation,
Ni demande en reconnaissance,
Ni recensement,
Ni affranchissement,
Ni conceptualisation,
Ni dissection,
Ni revendication.
L’inéluctabilité de l’être, l’irrémédiabilité d’être, la sereine urgence d’être.
Conscient d’être
De notre savoir, de nos capacités,
De notre héritage, de nos croisades,
De notre contemporanéité bouillonnante, de notre audace conquérante.
D’être et d’entrer en relation avec l’autre,
De la communion de nos intelligences,
De notre culture et de ses ramifications vivifiantes,
De notre identité, du croisement enrichissant et respectueux des identités,
De notre pensée, de la constellation interactive de nos pensées,
De notre existence, de nos existences croisées,
En pleine conscience de notre être,
conscients d’être, conscients de qui nous sommes, conscient de qui je suis,
et se révéler à soi, chaque jour qui passe.
Mé chimen-an long ek komba-a wo
Fok nou gadé woté komba-a, komba legzistans, komba la vi.
Cesser de confondre humeur et état,
révolte et révolution,
syncope et temps,
exemplarité et idolâtrie.
Et conjuguer tellurisme et endurance.
Célébrer la vie, l’instant sans perdre de vue le projet édificateur d’épanouissement collectif, de construction collégiale et d’émancipation sociétale.
Le volcan est destructeur mais aussi, refondateur et édificateur.
Distinguant le bras de la rivière,
Monté la riviè,
Gravir les flancs,
Mòn-lan wo mé fo nou rivé jik an tèt mòn-lan.
Et puiser dans le cratère-matrice, la conscience de notre être premier.
Sans orgueil mais avec fierté car conscients de chaque composant de notre ADN historique, psychologique, culturel et donc, sereinement ouverts aux réalités, cultures et identités du monde.
Un monde nourri par l’expression, la résonance et le dialogue des identités culturelles.
La Culture et les Arts n’ont nul besoin de visa, d’autorisation pour parler au Monde.
La Création artistique est l’expression de notre être profond. L’art permet la révélation de son être à l’autre, aux autres.
L’Art ne se confisque pas. Il nous révèle notre grandeur, notre humanité lumineuse, notre noblesse, notre ingéniosité et ne s’arrête pas aux tracés géographiques et se moque, fort heureusement, des enjeux géopolitiques circonstanciels.
L’on n’assigne pas la création artistique à résidence.
C’est l’Art qui convoque l’Humanité à la barre de ses propres réalités et enjeux, de ses vertus, de ses névroses, de ses dérives, de ses défis.
Identifions ensemble les véritables enjeux de notre société et du monde qu’il nous est encore possible de préserver et de construire, en tant que locataires.
Et à défaut d’une fraternité innée voire utopique, tentons une co-responsabilité consciente, éclairée, vertueuse, humble et audacieuse.
Alea jacta est,
Chimen-an long mé fo nou vansé kantékant, pou nou rivé la nou lé rivé-a, ansanm.
Fo nou fey, ba kô nou, ba ich nou.