Doris Lessing, une romancière engagée

Le Prix Nobel 2007 est décédée à l’âge de 94 ans. Militante féministe, anticolonialiste et anti-apartheid, elle avait traité les réalités africaines au travers de romans autobiographiques.

doris_lessing— Par Bruno Corty —

Elle était née sous le nom de Doris May Tayler, le 22 octobre 1919, dans l’ancienne Perse devenue Iran. Ses parents, Alfred Cook Tayler et Emily Maude McVeagh, étaient deux victimes de la Grande Guerre. Lui, ancien capitaine dans l’armée britannique, avait laissé une jambe au cours des combats. Elle, avait perdu son grand amour au cours du même conflit. C’est en soignant le soldat Tayler que cette infirmière d’origine irlando-écossaise vit son destin basculer. Deux ans après sa naissance, Doris eut un petit frère, Harry. La famille s’installa à Téhéran où le père travaillait pour la Banque impériale de Perse. «J’étais une enfant très perturbée, ultrasensible, confessera-t-elle plus tard. J’aurais pu dire que c’était parce que ma mère aimait mon frère et pas moi, mais c’est tellement ­banal. Je pense que mon mal-être tenait davantage du discours répétitif de mon père sur la guerre.» La romancière ­racontera la vie de ses parents en 2008 dans Alfred et Emily (Flammarion).

En 1924, les Tayler quittèrent Téhéran et s’installèrent dans le sud de la Rhodésie, une colonie britannique rebaptisée Zimbabwe en 1980. Le père voulait faire fortune en cultivant maïs et tabac et en cherchant de l’or. Ses rêves furent déçus. Les moustiques, omniprésents, attaquaient les enfants, et Doris souffrit de malaria, de dysenterie, à une époque où les antibiotiques faisaient défaut. En revanche, elle jouissait d’une liberté de mouvement absolue, d’un sentiment de sécurité «qui n’existent plus nulle part de nos jours».

Élevée et éduquée à domicile par sa mère, elle fut ensuite envoyée dans une école catholique de Salisbury, en Angleterre. Après quatre années chez les sœurs, elle finit par se prendre de passion pour la religion catholique, au grand dam de sa protestante de mère. Laquelle lui raconta, par le menu, le sort réservé aux protestants par l’Inquisition. De ce jour, la fillette perdit la foi.

À 14 ans, sa santé recouvrée, elle quitta l’école, voyagea en Afrique australe et se mit à dévorer les classiques de la littérature, de Proust à Virginia Woolf, en passant par Dickens, Tolstoï, Tchekhov. L’écriture devint une autre passion et elle réussit à vendre deux nouvelles à un magazine sud-africain. Tout en continuant à écrire, elle occupa le poste d’opératrice téléphonique à Salisbury. Mais déjà elle rêvait de Londres. Sans moyens financiers, elle se résolut à prendre son mal en patience. Elle épousa, en avril 1939, Frank Charles Wisdom, avec qui elle aura un fils, John, en 1942 et une fille, Jean, un an plus tard.
Prises de position antiapartheid

À Salisbury, elle fit la connaissance de plusieurs anciens pilotes de la Royal Air Force désabusés qui avaient épousé la cause du communisme: «Pour la première fois dans ma vie, je rencontrais un groupe de personnes qui lisaient tout et ne pensaient pas que lire était quelque chose de remarquable. C’était l’ambiance de nos rencontres qui me plaisait avant tout.» Proche des idées communistes, Lessing ne rejoignit le Parti qu’en 1952 et le quitta quatre ans plus tard. Son mariage étant un échec, elle divorça en 1943 et laissa, chose rare à l’époque, la garde des enfants à son mari. La même année, elle se remaria avec Gottfried Anton Nicolai Lessing, un Allemand communiste.

Lire la suite

http://www.lefigaro.fr/livres/2013/11/17/03005-20131117ARTFIG00139-doris-lessing-une-romanciere-engagee.php