« Dessiner encore » de Coco : le retour à la vie après l’attentat de Charlie Hebdo

Quelques mois après le « procès “Charlie” », la dessinatrice Coco livre dans un récit graphique son expérience de l’horreur terroriste.

— Par Fabienne Lemahieu —

Dessiner encore

de Coco

Les Arènes BD, 352 p., 28 €

Son témoignage fut l’un des moments forts du « procès Charlie », à l’automne dernier. Ses paroles y avaient été bouleversantes. Ses dessins, traits d’encre noire et aquarelles, parlent aujourd’hui pour elle : l’autrice et dessinatrice de presse Coco est une survivante de l’attentat du 7 janvier 2015, au cours duquel douze personnes furent assassinées. C’est en préparant son intervention à la barre que la jeune femme, jusqu’alors incapable de s’exprimer sur ce traumatisme profond, commença à représenter l’indicible. À raconter « son » 7 janvier et le lent chemin de reconstruction, le fragile retour à la vie que la trentenaire, jeune maman, entama coûte que coûte (1).

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Le 7 janvier de Coco est de ces jours d’effroi dont on ne se relève peut-être jamais complètement. Il est cette lame de fond protéiforme, cette « vague – coup-de-poing » au graphisme emprunté à Hokusai dont la force de frappe ouvre le récit, terrasse la jeune femme et saisit le lecteur. Et Coco raconte la culpabilité, de ceux qui côtoyèrent la mort mais n’y restèrent pas ; la honte d’en avoir réchappé quand d’autres, ses maîtres et amis, furent tués – Charb, Cabu, Tignous et tous les autres ; l’horreur d’avoir été réduite à cet « automate », par lequel les terroristes se sont introduits dans la rédaction du journal satirique. D’en avoir composé le code d’entrée sous le joug des ­kalachnikovs.

Le récit personnel d’une blessure collective

Le 7 janvier de Coco, ce sont aussi ces pages tailladées d’éclats rouge sang, égrenant furieusement les « et si », qui auraient pu tout changer mais qui n’eurent pas lieu – « et si j’avais tenté de les désarmer ? ». Puis les tirs et le silence qui s’ensuit, tout entiers engloutis par ces planches sombres et vides. La représentation de l’horreur s’arrête là. Rien à voir. En ultime héritage, les fantômes des terroristes encagoulés, requins en embuscade aux yeux béants d’inhumanité…

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