David Bowie. Le rock pop art

— Par Victor Hache —

david_bowieLégende du rock britannique et artiste aux mille visages, David Bowie est mort des suites d’un cancer deux jours après la sortie de son dernier album, Blackstar. Il laisse une œuvre avant-gardiste qui a marqué l’histoire en mariant musiques expérimentales et populaires.

Cela faisait plusieurs années qu’il se battait contre la maladie, et les rumeurs les plus alarmantes couraient sur lui. Mais à chaque sortie d’album, comme en 2013 avec The Next Day, on espérait que tout cela n’était pas vrai. David Bowie avait réussi à faire croire qu’il était immortel. Mais depuis hier matin et l’annonce de son décès, c’est toute la planète musicale qui est plongée dans le deuil, sous le choc de l’immense perte de celui qui restera comme l’un des plus créatifs musiciens du siècle : « David Bowie est mort paisiblement aujourd’hui entouré de sa famille à l’issue d’un courageux combat de dix-huit mois contre le cancer », pouvait-on lire sur les comptes Twitter et Facebook de la pop star anglaise décédée dimanche à soixante-neuf ans, quelques jours après la sortie de son 25e album, Blackstar. Un disque aux atmosphères étranges de pop-rock teinté de free jazz, où Bowie explore des esthétiques souvent sombres au travers d’une voix presque fantomatique interprétant « je suis une étoile noire » comme s’il se savait arrivé au bout du chemin. Artiste aussi génial qu’hors norme, il n’a eu de cesse durant près de cinquante ans de chercher des sonorités nouvelles, qui étaient pour lui une façon de toujours se renouveler. Sa musique n’était en fait qu’un prétexte à une démarche plus globale qui alliait le théâtre, la mode et le pop art à la Andy Warhol. Une théâtralité dans laquelle réside la clé d’un artiste protéiforme qui fut tout à la fois chanteur, comédien, metteur en scène et créateur de costumes de scène. Un homme élégant, aux mille visages, qui influença aussi bien les artistes punk-rock comme Lou Reed ou Iggy Pop, avec qui il collabora durant sa période berlinoise avec notamment le titre China Girl, que le public qu’il a su amener vers les tendances musicales les plus avant-gardistes.

David Robert Jones était né le 8 janvier 1947 dans une famille modeste de Brixton à Londres, quartier populaire du sud de la capitale britannique. C’est son frère aîné qui lui fait découvrir le jazz et la littérature avec des auteurs comme Allen Ginsberg ou Jack Kerouac.

Il quitte l’école très tôt et commence une carrière semi-professionnelle à l’âge de seize ans, où il joue du saxophone dans des clubs de Soho. Une époque prolifique où celui qui n’est encore qu’un mod londonien forme le groupe Kings Bees avec lequel il sort son premier 45tours, qui n’aura aucun succès. Mais il parvient à se faire remarquer. En 1965, il prend alors le nom de David Bowie, en référence au capitaine Jim Bowie dans le film Alamo et au couteau Bowie-Knife, utilisé pendant la guerre de Sécession.

L’importance de l’apparence

Après une série de singles plutôt décevants, il traîne sa solitude, continue de composer à la guitare et s’exerce à un style plus personnel, tout en hésitant encore entre la musique, les techniques théâtrales qui allaient fonder son œuvre et le cinéma. Il sera acteur dans le court-métrage Image de Michael Armstrong, avant de mener plus tard une carrière au cinéma, jouant dans de nombreux films comme l’Homme qui venait d’ailleurs, Furyo, les Prédateurs, la Dernière Tentation du Christ, ou encore Basquiat. Il travaillera aussi pendant trois ans dans la troupe du mime Lindsay Kemp, où il découvre le théâtre d’Antonin Artaud et les livres de Jean Genet, qui auront une grande influence sur son œuvre.

Puisant dans le cabaret et le rock, il comprit très vite l’importance de l’apparence et du look. Au début des années 1970, il fut l’une des plus grandes stars britanniques. Une icône glam la plus adulée et la plus critiquée par les médias, la plus ridiculisée aussi. Bowie s’amusait à provoquer la conservatrice société anglaise, devenant l’une des figures les plus singulières du rock. Il va connaître le succès en 1969 avec la sortie de Space Oddity, titre inspiré par la conquête spatiale, faisant écho aux premiers pas sur la lune de Neil Armstrong et au film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick en 1968. Véritable caméléon, adepte des tenues les plus extravagantes, il s’invente des personnages qui vont fasciner des armées de fans et plusieurs générations d’amoureux d’un rock audacieux qui savait emmener les gens très loin. À l’image de son alter ego, Ziggy Stardust, qui va subjuguer l’Angleterre dès 1972 lors du show télévisé Top of the Pops, où il interprète Starman en cheveux orange et platform boots en vinyle. Il y aura le Major Tom, Aladdin Sane, Halloween Jack… autant de personnages qui lui permettent de créer un formidable kaléidoscope dédié aux expériences musicales les plus inventives. Passant d’un univers à l’autre, il est cet artiste novateur qui ne vit qu’à travers les métamorphoses et masques qu’il se plaît à imaginer. Il est l’homme mystère : « Je veux faire de moi-même un véhicule pour mes chansons, disait-il. (1)

Un être futuriste

D’où vient cet être futuriste ? S’agit-il d’un extraterrestre, d’un homme, d’une femme ? Il joue de son androgynie et casse les codes, persuadé qu’un artiste ne doit en aucun cas s’enfermer dans un style. Quitte à faire le grand écart entre musiques expérimentales et registre populaire, à l’instar des titres qui lui permettent de faire une percée aux États-Unis, Fame, l’album Young Americans ou encore Let’s Dance, qui, en 1983, fera danser la planète entière. Après sa période américaine, fuyant les démons de la drogue et de la dépression, il s’installe à Berlin, où il va produire, de 1976 à 1979, avec Brian Eno, la trilogie Low, Heroes et Lodger. Autant d’expériences qui ont fait de lui un précurseur de la cold wave, comme de l’électro et donné naissance à une pop éminemment moderne.

Bowie, c’est 140 millions d’albums vendus. Un artiste qui s’était adapté au Web, autorisant le téléchargement de l’intégralité de son album Hours en 1999. Il avait également fait sensation à Wall Street en 1997 en lançant des titres obligataires gagés sur sa musique, les « Bowies Bonds », qui avaient permis au chanteur d’empocher immédiatement 55 millions de dollars. Un mélange rock et finance, auquel on préférera l’avant-gardisme d’une musique qui a marqué l’histoire et qu’on n’a pas fini de redécouvrir.

Hommages

Iggy Pop, chanteur punk-rock qui a collaboré avec David Bowie : « L’amitié de David était la lumière de ma vie. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi brillant. Il était le meilleur. »…
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Mardi, 12 Janvier, 2016
Photo NIKLAS HALLE’N / AFP