Patrick Servius a fait une carrière de danseur en France, fondant au passage la compagnie de danse contemporaine Le Rêve de la soie avec Patricia Guannel que l’on a pu voir ici à plusieurs reprises. P. Servius est désormais réinstallé à la Martinique, le lieu de sa naissance, sans avoir pour autant coupé les liens avec la Métropole, puisque sa pièce solo De soi, en quête a été conçue au Pôle 164 à Marseille et que c’est dans cette ville, au théâtre L’R de la mer, qu’ont eu lieu il y a quelques jours les premières représentations de cette pièce.
Cette dernière fait appel à plusieurs médias, la musique, bien sûr, mais encore la parole, la photo, la vidéo. Des photos de visages très agrandis que l’on imagine ceux de membres de sa famille, une vidéo représentant un homme qui paraît en train de nager sous l’eau. Quant à la parole, elle intervient lorsque le danseur s’interrompt et se met à raconter. Comme il évoque le plus souvent des choses très personnelles, il est permis de voir cette pièce comme les Confessions d’un enfant du siècle dernier, évoquant son « rapport au monde, le déracinement dans lequel [il s’est] construit », comme il l’écrit lui-même. Au demeurant, le travail de la compagnie Le Rêve de la Soie s’axait déjà « sur une recherche autour de la notion d’identité et questionnait aussi la relation à l’autre, au temps et à l’espace » (1).
Si les mots de Patrick Servius ne recèlent aucune ambiguïté, percevoir le sens des passages dansés n’est pas aussi facile. C’est au demeurant une difficulté à laquelle on est en permanence confronté face à des œuvres privées de paroles, en danse comme en arts plastiques : comment retrouver dans une œuvre purement visuelle le message formulé par ailleurs par l’artiste ? Par contre, on remarque tout de suite dans la pièce de P. Servius son rapport particulier au temps et à l’espace. Le temps semble comme distendu dans cette danse lente et minimaliste. On a envie de parler de « non danse » à propos de cette pièce, au sens d’une danse qui bannit volontairement toute virtuosité. Bien que P. Servius ne mentionne pas Teresa de Keersmaeker parmi les chorégraphes qui l’ont marqué, sa pièce peut néanmoins faire penser à certains solos de la danseuse belge. On note également qu’il occupe peu l’espace du plateau, privilégiant les morceaux dansés presque sur place.
On l’aura compris, De soi, en quête est une pièce exigeante, difficilement accessible pour qui n’est pas familier d’une certaine danse contemporaine à la limite de l’abstraction.
De soi, en quête. Chorégraphe et interprète Patrick Servius, vidéo Cassandra Keane, Lumières Jean-Pierre Népost. Fort-de-France, Tropiques Atrium, 2 mai 2025.
(1) « Le laboratoire du vivant mystérieux / Patrick Servius » (sur le site de Pôle 164).