Dans une unité de soins intensifs de Gaza, débordée par le coronavirus

Gaza (Territoires palestiniens) – Affalé de côté sur un lit, le visage avalé par un masque à oxygène laissant briller ses yeux humides, Hussein al-Hajj insiste: il veut parler. Pour dire quoi? Que « le vaccin est nécessaire », souffle-t-il, entre la vie et la mort dans un service de soins intensifs de Gaza.

Autour du vieil Hussein, des écrans clignotent et un « bip-bip » incessant s’élève de machines mesurant sa saturation en oxygène, son rythme cardiaque et sa pression artérielle. Il se trouve dans une unité spéciale créée il y a deux mois pour affronter le Covid-19 dans la bande de Gaza.

Au début de la pandémie, c’est Israël qui voyait se multiplier les morts. De l’autre côté de l’épaisse barrière de sécurité militarisée séparant l’Etat hébreu de ce territoire palestinien, le compteur tournait à vide.

Mais des premiers cas ont été recensés en août hors des centres de quarantaine de ce micro-territoire, sous blocus israélien depuis 2007, aux infrastructures balbutiantes. Le Covid-19 a commencé à faire des ravages parmi ses deux millions d’habitants.

Aujourd’hui, à l’heure où Israël rouvre bars et restaurants et enregistre de faibles taux de contamination grâce à une intense campagne de vaccination, la bande de Gaza affronte la tempête, sans trop de moyens ni de vaccins.

Sur un tapis de poussière à la sortie de la principale ville de l’enclave, une fois passés un camp d’entraînement des brigades Al-Qassam –branche armée des islamistes du Hamas– et des bassins remplis d’eaux d’égouts pestilentielles, se dresse un hôpital turc construit en 2017.

Dans son unité de soins intensifs, des hommes intubés sont recroquevillés sur leur lit. La consigne à l’AFP est claire: il est possible de filmer mais sans montrer les visages des malades, ni les déranger.

A un moment, la voix caverneuse de Hussein al-Hajj émerge: « C’est une question de vie ou de mort à chaque instant, à tout moment les choses peuvent se détériorer« , lance, désemparé, l’enseignant à la retraite de 71 ans.

« Ma femme et moi avons le coronavirus. Elle est restée en quarantaine à la maison mais, moi, j’avais des problèmes pulmonaires alors on m’a transporté dans un premier hôpital, puis ici« , murmure-t-il.

– Crise de l’ombre –

« Depuis que nous avons mis sur pied cette unité de soins intensifs pour le coronavirus, nous avons reçu quarante patients. Sept d’entre eux sont morts« , explique Samer Mansour, infirmier en chef de cette unité.

« Au début nous n’avions qu’un patient mais, là, les neuf lits de l’unité sont toujours pleins« , souligne-t-il, notant que « 40% des patients ont moins de cinquante ans« .

L’apparition début mars du variant britannique –plus contagieux que les souches précédentes– dans ce territoire densément peuplé coincé entre Israël et l’Egypte a favorisé la transmission chez des personnes plus jeunes et une explosion du nombre de cas.

« La situation est critique« , résume Rami al-Abadelah, médecin et directeur du service des infections au ministère de la Santé.

Gaza a enregistré la semaine dernière un record de 23 morts sur une seule journée, sur un total d’environ 830.

Le seuil des 100.000 cas devrait être franchi cette semaine. Mais seulement 3.200 tests sont menés chaque jour, révélant un taux de positivité de 36%, l’un des plus élevés au monde, selon l’Organisation mondiale de la santé.

« Cela fait officiellement environ 1.000 cas par jour mais il y en a probablement 5.000, ou plus, car les gens ne vont pas à l’hôpital et ne nous appellent pas pour dire qu’ils ont des symptômes. Ces personnes contaminées se promènent dans les souks, entrent en contact avec d’autres personnes et le virus se propage » à vitesse grand V, explique M. Abadelah.

« En plus, les hôpitaux sont dans un sale état« , précise-t-il alors que les autorités ajoutent des lits dans les établissements pour gérer la crise.

Face à la contagion, le gouvernement du Hamas a imposé un couvre-feu à partir de 19H00 pour tenter d’empêcher les familles de se réunir en grand comité lors du iftar, repas marquant la rupture quotidienne du jeûne pendant le mois du ramadan, en attendant la livraison de vaccins.

« Nous avons reçu 110.000 doses mais nous en avons besoin de 2,6 millions supplémentaires« , chiffre M. Al-Abadelah.

Aux soins intensifs, Hussein al-Hajj aurait préféré être vacciné plutôt qu’intubé. « La vaccination est nécessaire, nécessaire, mais, pour le moment, il me faut avant tout survivre« .

Source : AFP / L’Orient- Le Jour