Tribune Collectif
Les territoires ultramarins sont les grands oubliés des politiques nationales, alertent plus de 70 personnalités des mondes politique et associatif, dont Patrick Karam et Marie-José Pérec, dans une tribune au « Monde ». Face aux multiples crises, elles demandent un plan d’investissement massif.
Dans les outre-mer, les réponses de l’Etat demeurent timides ou méprisantes collectif Les territoires ultramarins sont les grands oubliés des politiques nationales, alerte un de plus de 70 personnalités des mondes politique et associatif. Face à des crises multiples, elles demandent un plan d’investissement massif collectif La situation des outre-mer est plus critique que jamais. Confrontés à des crises sociales, économiques, institutionnelles et sécuritaires d’une ampleur inédite, ces territoires essentiels à la présence de la France dans le monde entier, à la richesse et à la diversité de notre pays subissent de plein fouet pauvreté, chômage, vie chère, retards économiques et carences criantes des systèmes de santé, d’éducation et d’infrastructures. Les crises à répétition révèlent des failles structurelles profondes et une paupérisation dramatique. Il est temps de repenser la relation entre la République et ses outre-mer, non de différer encore cette question.
Une réaction forte et cohérente de l’Etat est indispensable. Pourtant, les réponses restent timides, bureaucratiques ou méprisantes, renforçant le sentiment d’abandon. La nomination de Naïma Moutchou au poste de ministre déléguée chargée des outre-mer envoie un signal désastreux à des territoires fragilisés. Sept ministres en trois ans pour un portefeuille aussi stratégique traduisent un désintérêt inquiétant. Les outre-mer ne peuvent être un levier d’équilibre politique : elles exigent compétence, constance et connaissance fine des réalités locales. A l’inverse, Manuel Valls, quand il avait repris ce portefeuille dans un contexte de crise, avait montré qu’un ancien premier ministre pouvait s’impliquer pleinement et redonner espoir de stabilité et d’écoute. Ce cap semble aujourd’hui perdu.
En Nouvelle-Calédonie, l’évolution statutaire, la réforme du corps électoral ainsi que la relance du plan nickel sont essentielles à la stabilité d’un territoire sinistré après les émeutes . A Mayotte, l’immigration incontrôlée en provenance des Comores et le retard à reconstruire après le cyclone Chido provoquent détresse et colère. Aux Antilles et en Guyane, la population subit la vie chère, la flambée de la violence et la libre circulation des armes liées au trafic de drogue. [de 2024] [en décembre 2024] Crédits de l’Etat en chute libre
La crise de l’eau, qui perdure depuis quinze ans, symbolise le désengagement de l’Etat : en Guadeloupe, deux siècles seraient nécessaires pour renouveler le réseau au rythme actuel. Le scandale du chlordécone, pesticide cancérigène, a contaminé durablement les sols et provoqué une explosion des cancers sans qu’aucune responsabilité n’ait été reconnue. S’ajoute à cela la crise des sargasses, ces algues brunes qui empoisonnent l’air, détruisent la pêche et le tourisme. Là encore, l’Etat reste sans plan global ni soutien suffisant. La Réunion et la Polynésie française, confrontées à la cherté de la vie, au chômage et à la dépendance énergétique, attendent, elles aussi, un engagement fort et durable.
Crédits de l’Etat en chute libre
Alors que le premier ministre connaît les réalités ultramarines, il sacrifie les territoires les plus paupérisés de France en sabrant le budget, qui perd 1,6 milliard d’euros sur l’effort total de l’Etat et 628 millions d’euros du ministère des outre-mer, sur un peu moins de 3 milliards d’euros en 2025. En chute libre, les crédits alloués pour financer les politiques d’aide aux entreprises, d’accès au logement, la continuité territoriale ou encore le soutien aux collectivités. Le choix d’une telle austérité s’apprête à affaiblir des économies déjà fragiles. Dans le même temps, aucun ultramarin n’a été intégré au gouvernement – absence inédite et symboliquement lourde, niant l’existence de femmes et d’hommes compétents pour assumer les plus hautes responsabilités.
Cette marginalisation s’étend à tous les domaines, et la considération manque jusque dans les détails : débats budgétaires initialement programmés un dimanche, suppression du créole à l’agrégation, absence de mesures pour les jeunes contraints de partir étudier ou travailler, souvent sans retour possible. Ces départs privent les territoires de leurs forces vives. Les sportifs ultramarins, eux aussi, se heurtent à un manque criant d’infrastructures et de soutien, alors qu’ils incarnent l’excellence française.
Partout, le sentiment d’injustice grandit. Les Français d’outre-mer ne réclament ni privilèges ni faveurs, mais l’égalité réelle à laquelle ils ont droit. Beaucoup s’interrogent : la France les considère-t-elle encore comme pleinement français ? Ce doute alimente la tentation du repli ou de la rupture. Seule une action forte et juste peut apaiser ces colères. Il est temps que la République assume ses responsabilités et restaure la confiance, non par des mots, mais par des actes. infrastructures, développer l’économie verte et bleue, et désenclaver numériquement ces régions. L’éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté et l’illettrisme doivent devenir des priorités absolues. Les collectivités, au bord du précipice, doivent être soutenues et leurs capacités d’action restaurées.
Les outre-mer ne peuvent plus servir de terrain d’expérimentation pour des politiques improvisées. Territoires stratégiques aux richesses immenses, ils sont les avant-postes de la France dans le monde. Il faut un plan d’investissement massif pour moderniser les les infrastructures, développer l’économie verte et bleue, et désenclaver numériquement ces régions. L’éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté et l’illettrisme doivent devenir des priorités absolues. Les collectivités, au bord du précipice, doivent être soutenues et leurs capacités d’action restaurées.
Après des décennies d’attente, les outre-mer réclament l’égalité réelle. Cette exigence de justice est aussi celle de l’unité nationale. Il ne saurait y avoir de citoyens durablement relégués selon leur lieu de naissance. Faire des outre-mer une priorité n’est pas une faveur : c’est une obligation républicaine, un engagement moral et stratégique. L’avenir de la France passe par la réussite de ses territoires ultramarins. Il est temps de le comprendre, de l’assumer et d’agir, par devoir, par respect et par conviction.
Parmi les signataires : José Althey, président de l’association nationale des élus des outre-mer ; Jacques Ambrosio, président de l’association Accolade ; Christine Arron, championne d’athlétisme, adjointe au sport à Champigny-sur-Marne ; Sylviane Cédia, chanteuse, autrice, compositrice ; Daniel Dalin, président du Conseil représentatif des Français d’outre-mer (Crefom) et du collectifdom ; Pierre-Marie Hilaire, président du club des olympiens et paralympiens de Guadeloupe ; Jenny Hippocrate, présidente de l’association pour l’information et la prévention de la drépanocytose ; Muriel Hurtis, championne d’athlétisme ; Patrick Karam, instigateur de la tribune, ancien délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer, fondateur et ancien président du collectifdom et du Conseil représentatif des Français d’outre-mer (Crefom), vice-président de la Région Ile-de-France en charge des sports ; Marie-José Pérec, championne d’athlétisme ; Patrice Quarteron, champion du monde.
Retrouvez la liste complète des signataires ici.
