Dans les eaux guyanaises, la découverte d’un écosystème « unique au monde »

— Par AFP —

Cayenne – Découverte d’une aire marine méconnue, observations de dizaines d’espèces de cétacés: une mission scientifique inédite Greenpeace-CNRS s’achève dans les eaux de la Guyane pour mieux comprendre le récif de l’Amazone, riche en biodiversité et menacé par le développement du pétrole offshore au Brésil.

« Nous découvrons des poches de vie, trésors de biodiversité, explorées par l’être humain pour la toute première fois et dont le mystère reste encore entier », s’enthousiasme Alexis Rosenfeld, plongeur-photographe de la mission océanique menée à 100 kilomètres au large de la Guyane.

Cette expédition intervient alors qu’un traité sur la haute mer est en cours de négociations à l’ONU, en écho au rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Publié mardi ce rapport souligne la nécessité pour les gouvernements d’intensifier et d’accélérer leurs efforts pour faire face à la crise climatique et protéger les océans.

Par 100 mètres de profondeur, dans une eau à forts courants et boueuse, une équipe de six professionnels a plongé pour la première fois sur la partie guyanaise du récif de l’Amazone, un assemblage d’algues calcaires, d’éponges et de coraux noirs.

Ces plongées permettent d’obtenir « davantage d’images ainsi que des échantillons biologiques, nécessaires pour mieux comprendre cet écosystème », explique Greenpeace France.

L’existence du récif de l’Amazone au large du Brésil avait été révélée en 2016, et sa présence dans les eaux guyanaises en 2018 par Greenpeace. « Cet écosystème est menacé par des projets pétroliers dans les eaux voisines du Brésil, par des sociétés telles que BP », s’inquiète l’organisation internationale après un mois en Guyane.

Installé dans l’une des cabines de travail de l’Esperanza, lourd bateau de Greenpeace vert métallisé orné d’une colombe, Thiago Almeida, de Greenpeace Brésil, souligne que cet écosystème est « unique au monde ». « Si BP s’installe dans la zone », ça pourrait avoir un « effet domino », craint l’écologiste.

« S’il arrivait une fuite d’hydrocarbures au Brésil, la Guyane ne serait pas épargnée », renchérit Amandine Bordin du groupe d’étude et de protection des oiseaux en Guyane, embarquée sur l’Esperanza.

– Baleines à bosse –

Selon Greenpeace, l’Agence nationale brésilienne du pétrole (ANP) estime à « 14 milliards de barils de pétrole », soit l’équivalent de 5,2 gigatonnes de CO2, contenus dans le fond de la mer proche du récif de l’Amazone.

Au large de la Guyane, on rencontre de grands mammifères marins, des requins, des oiseaux océaniques. La mission a permis de mettre en lumière cette diversité et d’observer une dizaine d’espèces différentes de cétacés.

Mais depuis la fin des années 70, plusieurs programmes de recherches sismiques sous-marines ont été menés, par Total et Shell notamment, à la recherche de gisements d’hydrocarbure.

La sismique « perturbe les grands plongeurs comme les cachalots, les baleines à bosse qui y sont extrêmement sensibles » regrette Amandine Bordin, jumelles autour du cou à la recherche de cette faune océanique.

« Si il y a trop de dérangements, de bruits, les espèces vont être obligées de partir, ce qui peut jouer sur la survie de certaines d’entre-elles », confirme Olivier Van Canneyt, scientifique de l’observatoire Pelagis, partenaire du CNRS.

Pour le scientifique, « les eaux guyanaises sont plus qu’une route migratoire pour certaines espèces » comme le rorqual tropical, observé pour la première fois en Guyane. La zone est utile pour la reproduction, la mise-bas et l’allaitement ».

Vêtue d’un tee-shirt représentant une baleine à bosse, effigie de cette expédition internationale, Edina Ifticène, chargée de mission de Greenpeace, rappelle que « les océans sont connectés. Si on protège la Guyane, on protège les espèces qui se retrouvent aussi en Antarctique, en Arctique et ailleurs ». Sans la grande bleue « on ne régule pas le climat », prévient-elle.

Greenpeace a lancé une large expédition pour une durée d’un an, au cours de laquelle l’Esperanza doit traverser l’océan Atlantique, depuis l’Arctique jusqu’en Antarctique.

Source : Tahiti-infos.com