Covid-19 en Guadeloupe : l’herbe à pic est-elle un vrai remède contre le virus ?

Un laboratoire guadeloupéen, qui commercialise déjà le Virapic, dit avoir trouvé dans une plante médicinale de quoi contrer les virus, et notamment le Covid-19. Toutefois, des études cliniques doivent encore le confirmer

— Par Aubin Laratte —

« Je ne sais pas si vous réalisez ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui. C’est un moment historique pour la Guadeloupe. » Quand il prononce ces mots, le jeudi 11 février, le docteur Henri Joseph vient de faire sensation, quelques minutes plus tôt, sous le toit du conseil régional de Guadeloupe, à l’occasion d’un forum autour de la santé. Son annonce ? Il aurait trouvé dans l’herbe à pic – une plante qui pousse aux Antilles et dans d’autres régions du monde – le remède contre les virus et notamment contre le Covid-19.

Qu’est-ce que l’herbe à pic ?

Sur l’île, on connaît bien cette plante qui peut monter jusqu’à plusieurs mètres de hauteur et se ramasse sur les chemins ou au bord des routes. Le département français n’en a pas le monopole : elle pousse dans toutes les Caraïbes et en Amérique centrale. Elle est utilisée depuis des centaines d’années pour le traitement des maladies de peau, le diabète et bien d’autres infections. Son usage se répand à la manière des recettes de grands-mères.

Ses vertus ont poussé le laboratoire Phitobôkaz à extraire les molécules de la plante pour en faire un sirop, le Virapic. Ce produit est devenu courant, au fil des années, dans les foyers guadeloupéens et martiniquais. « Virapic vous aide à faire face aux changements de saison, au stress et à la fatigue, explique le laboratoire sur son site Internet. Si vous l’utilisez dès l’apparition des premiers signes d’inconfort, il contribuera également à retrouver votre bien-être. » Il est vendu sans ordonnance, aux Antilles, en pharmacie et parapharmacie.

Quelle est la découverte de Phitobôkaz ?

Le « zèb a pic », comme on l’appelle en créole, lutterait donc aussi contre le coronavirus ? « Nous avons montré qu’un extrait d’herbe à pic est capable d’inhiber la voie de biosynthèse de novo des pyrimidines, et notamment la quatrième enzyme de cette voie métabolique qui est la dihydroorotate déhydrogénase, voie indispensable et obligatoire pour la réplication du virus ARN », explique très sérieusement Phytobôkaz, dans un communiqué de presse.

Autrement dit : cet extrait de la plante empêcherait le virus de se dupliquer dans l’organisme, en « ciblant » la cellule hôte « plutôt que le virus lui-même ». Si le remède serait effectif sur le Covid-19 – et ses variants –, il le serait aussi, garantit Henri Joseph, sur tous les virus à ARN tels que la grippe, la dengue, différentes hépatites ou encore le Chikungunya.

« L’immunité innée (NDLR : ce que permet leur découverte) permet la défense de l’organisme contre les agents infectieux de façon immédiate », garantit Phytobôkaz dans le communiqué de presse. « À l’inverse, l’immunité adaptative (NDLR : celle des vaccins) confère une protection plus tardive, mais plus durable à condition que l’agent pathogène ne mute pas trop en variant. »

Des stocks de Virapic pris d’assaut

Dès l’annonce de cette « découverte », relayée par les réseaux sociaux, il n’a fallu que quelques heures pour que les pharmacies de Guadeloupe puis de Martinique soient prises d’assaut de clients à la recherche de… Virapic. « Les gens nous demandent d’en mettre de côté par 10 flacons, quand ils en trouvent ils prennent par cinq », témoigne un pharmacien auprès de Guadeloupe la 1re. Quand bien même le laboratoire n’a jamais dit que le Virapic était le « remède » en question.

Les recherches sur Google ont bondi autour de la requête « Virapic ». En France, Christian de Montaguère, qui est le seul à vendre le précieux sirop, a vu son stock fondre très vite. « Tout est parti en une nuit », explique au Parisien ce commerçant spécialisé, qui vend des produits antillais depuis sa boutique à Paris, et dans toute l’Europe via son site Internet. « Depuis, je reçois une cinquantaine d’appels par jour et j’ai dû poser une affiche sur ma boutique sans quoi je ne pouvais plus travailler tant il y avait de clients qui venaient m’en réclamer », explique-t-il. Le succès du produit s’est très nettement accéléré : « J’en ai toujours vendu, mais c’est incomparable ! »

Pourquoi il faut attendre

Ce succès est d’autant plus surprenant qu’il reste difficile de voir dans quelle mesure l’herbe à pic pourra contrer le Covid-19. Si le « remède » a fait l’objet d’un dépôt de brevet le 10 février, aucune étude clinique n’a encore été menée : l’expérience, qui fonctionne dans l’éprouvette, fonctionnera-t-elle sur l’humain ? Questionnée à l’Assemblée nationale sur le sujet par le député de Guyane Gabriel Serville, mardi, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, n’a pas dit autre chose : « Il est encore trop tôt pour en dresser le bilan. »

Lors de la présentation de sa découverte, devant des élus de Guadeloupe, Henri Joseph jubilait : « Là où c’est extraordinaire, c’est que cette plante ne pousse pas en Russie, en Chine, en Asie, en Afrique, ça ne pousse que chez nous. […] Ce qu’on a montré, c’est que ce n’est pas une molécule, c’est un extrait. Ça veut dire que quand les grands pays viendront et diront qu’ils voudront synthétiser, ils n’auront pas l’extrait. Il faudra obligatoirement la plante. » Et le patron de Phitobôkaz de rêver : « Il faut mettre des cultures, des usines en place, faire revenir les jeunes pour travailler dans ces usines. […] Il faut que l’on devienne un pays qui attire sa jeunesse […], et maintenant on peut. »

Source: LeParisien.fr