Confiance locale et fractures territoriales : les collectivités au cœur des attentes citoyennes

— Par Jean Samblé —

Alors que la France traverse une période politique inédite et que les débats budgétaires se crispent, une étude menée par l’Ifop pour Intercommunalités de France met en lumière un paradoxe révélateur : malgré une défiance croissante envers les institutions nationales, les Français réaffirment leur attachement aux élus locaux et à l’échelon intercommunal.

Les élus locaux, figures de confiance en temps d’incertitude

Dans un contexte de fragmentation politique et sociale, les maires et les présidents d’intercommunalité apparaissent comme des repères stables et rassurants. 68 % des citoyens déclarent avoir confiance en leur maire pour développer des services publics adaptés à leurs besoins — un score en progression de 6 points depuis 2017. Le président d’intercommunalité enregistre quant à lui la plus forte hausse de confiance (+10 points), atteignant 57 %. Chez les jeunes de 18 à 25 ans, ce chiffre grimpe même à 67 %, signe d’un regain d’intérêt pour l’action locale.

Les collectivités locales sont perçues comme plus aptes que l’État à répondre aux défis concrets : 67 % des Français leur font davantage confiance pour assurer les services du quotidien, contre seulement 8 % en faveur du gouvernement. Ce clivage s’observe aussi dans la gestion des finances publiques (44 % de confiance pour les collectivités contre 22 % pour l’État) et de la rénovation énergétique (48 % contre 19 %).

Territoires oubliés, sentiment d’abandon renforcé

Si huit Français sur dix se disent satisfaits de leur qualité de vie locale, un malaise territorial persiste. La fracture est particulièrement marquée dans les espaces ruraux : 50 % des habitants de communautés de communes estiment que leur territoire est négligé par les pouvoirs publics, soit deux fois plus que dans les zones urbaines. Au total, 67 % des Français jugent que les communes rurales ne bénéficient pas suffisamment de l’action publique.

Les Outre-mer (49 %) et les banlieues populaires (42 %) sont également perçus comme des territoires oubliés, tandis que plus de la moitié des sondés (53 %) estiment que Paris et sa métropole captent une part excessive de l’attention et des moyens.

La santé, priorité numéro un des Français

Fait nouveau : la santé devient la préoccupation centrale, devant même la sécurité. 61 % des Français constatent une dégradation de l’accès aux soins dans leur territoire (+16 points depuis 2017), et 57 % pointent la baisse de qualité des services d’urgence (+19 points). Ces chiffres traduisent une inquiétude transversale, quel que soit le type de territoire.

En revanche, certains signaux sont positifs : les perceptions sur l’emploi (40 %, -14 points) et le commerce de proximité (41 %, -10 points) se sont améliorées par rapport à 2017, signe d’une certaine résilience locale.

Budget : les Français protègent l’échelon local

Alors que les arbitrages budgétaires s’intensifient, les Français refusent de voir les collectivités locales faire les frais des politiques d’austérité. 63 % s’opposent aux coupes imposées aux budgets locaux, estimant qu’elles fragiliseraient les services de proximité. Une large majorité (91 %) juge prioritaire de réduire les dépenses de l’État avant celles des collectivités (47 %).

Mais une tension demeure : 47 % des Français sont désormais prêts à accepter une baisse des services en échange d’allègements fiscaux locaux, contre 38 % en 2024. À l’inverse, un tiers (33 %) reste fermement attaché au maintien des services publics, quitte à payer davantage.

Vers un nouveau pacte territorial ?

L’étude révèle une aspiration profonde : celle d’un État qui redonne toute sa place à l’échelon local. Les élus de proximité sont aujourd’hui les mieux placés pour incarner une action publique lisible, concrète et équitable. La montée en puissance de l’intercommunalité s’inscrit dans cette logique, en tant que maillon stratégique entre communes, citoyens et services.

À l’horizon des élections municipales et intercommunales de 2026, un message s’impose : les collectivités ne sont pas des sous-traitants de l’État, mais des piliers essentiels de la cohésion nationale. C’est en s’appuyant sur elles que la République pourra retisser les liens distendus avec ses territoires.

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