Cinq députés d’Outre-mer socialistes voteront la censure contre le gouvernement Lecornu

— Par Sabrina Solar —

À la veille d’un vote décisif à l’Assemblée nationale, une fracture nette s’est dessinée au sein du groupe socialiste. Mercredi 15 octobre, cinq députés d’Outre-mer — Christian Baptiste (Guadeloupe), Béatrice Bellay (Martinique), Élie Califer (Guadeloupe), Philippe Naillet (La Réunion) et Jiovanny William (Martinique) — ont annoncé qu’ils voteraient en faveur de la motion de censure déposée contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, rompant ainsi avec la ligne fixée par leur direction nationale.

Dans un communiqué adressé à l’AFP, les élus expliquent leur décision par un profond désaccord politique et symbolique :

« Ce jeudi, notre vote sera sans ambiguïté : en faveur de la censure d’un gouvernement qui réaffirme de manière ostensible son désamour à l’égard des territoires d’Outre-mer et de leurs populations. Cette censure se veut être une alerte pour un gouvernement qui doit mériter la confiance de nos territoires. »

Les parlementaires ultramarins dénoncent la politique budgétaire du gouvernement, estimant que les Outre-mer sont injustement mis à contribution dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2026.

« À la lecture de ces textes, les Outre-mer sont appelés à payer solidairement et disproportionnellement la note de la mauvaise gestion des finances à l’échelle nationale », précisent-ils.

À leurs côtés, un autre député socialiste, Paul Christophle (Drôme), a également annoncé qu’il voterait la censure. Dans une déclaration diffusée sur le réseau X, il justifie son choix par la nécessité de mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat et de la justice fiscale, estimant que la seule suspension de la réforme des retraites promise par le Premier ministre ne suffit pas à rétablir la confiance.

Cette prise de position crée un premier accroc visible dans la cohésion du groupe socialiste, jusque-là aligné derrière les consignes de son premier secrétaire Olivier Faure et du président du groupe Boris Vallaud. Ces derniers avaient en effet appelé les députés du PS à ne pas voter la censure, après avoir obtenu du chef du gouvernement la promesse d’un report de la réforme des retraites. La ligne du groupe avait été adoptée de façon « quasi unanime », selon leurs mots.

Mais pour les élus ultramarins, le désaccord dépasse la tactique parlementaire. Il s’agit, selon eux, d’un signal politique fort adressé à un exécutif perçu comme distant, voire indifférent, à la réalité économique et sociale des territoires non métropolitains. Ils reprochent au gouvernement Lecornu un manque d’écoute et de considération structurelle pour les Outre-mer, notamment en matière d’inflation, de vie chère, de logement et d’emplois publics.

Jeudi matin, l’Assemblée doit examiner deux motions de censure : l’une déposée par La France insoumise (LFI) et l’autre par le Rassemblement national (RN). Celle du groupe LFI, soutenue par les Écologistes, les Communistes, le RN et une partie des députés de droite souverainiste, est susceptible de recueillir le plus de suffrages — sans toutefois atteindre, selon les premières estimations, le seuil nécessaire pour renverser le gouvernement.

Le vote des cinq députés d’Outre-mer et de Paul Christophle n’en reste pas moins hautement symbolique. Il souligne la fragilité politique du gouvernement Lecornu, confronté à un climat social tendu, mais aussi les fractures internes du Parti socialiste, partagé entre stratégie de compromis et expression de désaccords profonds sur la justice sociale et territoriale.

En s’opposant ouvertement à la ligne majoritaire de leur groupe, les élus ultramarins entendent rappeler que les Outre-mer ne sauraient être une variable d’ajustement dans les équilibres budgétaires nationaux. Leur geste, affirment-ils, n’est pas une rupture de loyauté envers le parti, mais une exigence de vérité et de responsabilité envers les populations qu’ils représentent.