Chlordécone: les manifestants en Martinique dénoncent « un mépris d’État »

— Par Hugo Septier avec AFP —

Un fédilé contre un « mépris d’État. » Environ 800 personnes, selon la police, ont manifesté samedi à Fort-de-France pour dénoncer le non-lieu requis par le parquet de Paris dans l’enquête sur l’empoisonnement des Antilles au chlordécone, pesticide autorisé dans les bananeraies de 1972 à 1993.

En symbole des décès liés au chlodécone, responsable d’une pollution des sols sans précédent en Martinique et en Guadeloupe, les manifestants ont organisé un « die-in » en s’allongeant devant la préfecture.

Ancienne ouvrière agricole de 69 ans, Christiane Césaire explique qu’elle a vu sa famille emportée par les cancers: ses deux frères et son père, décédés du cancer de la prostate, et sa mère de cancers du sein et de l’utérus. Elle-même a été frappée par la maladie et, si elle a pu s’en sortir, elle dit garder « beaucoup de séquelles ».

« Avec mes parents, nous travaillions dans les champs de bananes à Basse-Pointe », dans le nord de la Martinique, a-t-elle raconté à l’AFP. « Le patron ne nous donnait aucune protection, pas de gants, pas de bottes, et nos ongles, nos doigts, nos orteils étaient rongés ».

Jugement et « réparation »

Le 24 novembre, le ministère public a requis le non-lieu dans l’enquête ouverte après des dépôts de plaintes, dès 2006, par des associations guadeloupéennes, puis en 2007 par des associations martiniquaises. Celles-ci dénonçaient un crime d’empoisonnement et une mise en danger de la vie d’autrui.

Mais le parquet de Paris a estimé qu’il n’y avait lieu de poursuivre quiconque, considérant notamment que les faits étaient prescrits ou non caractérisés.

Les manifestants ont scandé des chants pour réclamer un jugement et une condamnation pour les responsables, et une « réparation » pour la population martiniquaise.

« Ce mépris qu’on nous sert au fur et à mesure que ce dossier avance, c’est insupportable », a dénoncé auprès de l’AFP Marie-Joseph Sellay-Hardy-Dessources, membre du collectif Lyannaj pou dépolyé Matinik. Si la militante pour l’Union des Femmes pour la Martinique déplore une faible mobilisation, elle estime que la population est aujourd’hui « trop informée pour baisser les bras ».

« Même s’il y a un non-lieu, il a d’autres éléments sur lesquels se battre », souligne un avocat des parties civiles, Raphaël Constant. « Admettons qu’on arrive sur le plan pénal, poursuit l’avocat, les principaux responsables sont morts ». « Nous pouvons poursuivre ceux qui ont utilisé le chlordécone jusqu’en 2004 et qui l’ont ordonné mais ça ne va pas résoudre le problème fondamental qui est la réparation du pays », a-t-il dit.

Article original publié sur BFMTV.com