Budget de la Sécu : attention au « vèglaj » !

— Par Max Dorléans (GRS) —

Année après année, on est habitué à voir le gouvernement voter tranquillement, sans changement notable, après examen du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (P.L.F.S.S.), le budget de la Sécurité sociale. Mais cette année, avec l’extraordinaire augmentation du budget de celle-ci contenue dans le projet pour 2021, on pourrait être tenté de penser que le gouvernement change son fusil d’épaule. Et, qu’il accède enfin au bon sens en revenant, au regard de la crise du Covid 19 et des faiblesses du système, sur les politiques d’austérité de ces dernières années. Une conclusion somme toute imaginable avec l’augmentation bien effective des dépenses enregistrées en 2020, lesquelles ont atteint ces derniers mois, des sommets jamais vus depuis plus de 20 ans, avec 7,6% d’augmentation de l’Ondam (objectif national des dépenses d’assurance maladie), soit 15 milliards d’euros.

A la vérité, il n’en est rien. Si l’augmentation constatée est bien réelle, cela est dû à la nécessaire adaptation que le gouvernement a du réaliser face la crise du Covid 19, tant en 2020 qu’en 2021. Ce que lui-même Macron avait évoqué durant la phase aigue de la crise, en disant qu’il y avait lieu de «dépenser sans compter» pour sortir de la crise…

Sauf que pour Macron, le «dépenser sans compter» s’est traduit pour l’essentiel avec l’accord dit « Ségur de la santé » conclu en juillet 2020, par une revalorisation des salaires du personnel (notamment des « cadeaux » (!) faits exceptionnellement en matière de salaires, à tous ceux et toutes celles qui étaient applaudies chaque soir à 20 h) et quelques investissements.

Ce que confirme Frédéric Valletoux, président de la fédération Hospitalière de France, qui fait office de chambre patronale des directeurs d’hôpitaux et par ailleurs maire UMP de Fontainebleau, lorsqu’il dit : « Ce PLFSS devrait, dans ce contexte de crise historique, apporter sécurité et sérénité aux établissements publics de santé et médico-sociaux. C’est loin d’être le cas : si on enlève les financements obtenus lors du Ségur et les surcoûts liés à la COVID, on se retrouve avec un ONDAM inférieur à ce qui était prévu et sanctuarisé par la pluriannualité. Comment peut-on autant en demander aux acteurs de la santé sans leur donner les moyens d’atteindre leurs objectifs ? ».

Ce qui signifie que le reste dans le budget – mis à part le financement de la cinquième branche de la Sécurité sociale avec la création de Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, opéré en grande partie par la CSG – ne répond nullement aux exigences des personnels hospitaliers – tous emplois confondus – formulées depuis plus d’un an. L’objectif pour Macron qui s’obstine dans une austérité toujours plus dure, étant de tenir son cap, en étant sourd à l’idée de donner à la santé et à l’hôpital public, les moyens de satisfaire les besoins de la population.

Ce qui a pour traduction quasiment rien tant en matière d’augmentations de personnel réclamées que sur la formation. Rien non plus de façon significative sur les augmentations de salaires. Mais, par contre, poursuite de sa feuille de route avec les fermetures programmées de lits et de services. Poursuite donc évidemment sur les restructurations hospitalières en faisant du « partenariat public- privé » et des solutions ambulatoires privées, la réponse aux problèmes de fond portés aux besoins sociaux.

En réalité, contrairement au fameux et très général «dépenser sans compter» qui ne visait fondamentalement pas les besoins sociaux, Macron maintient son cap contraire au principe de base de la Sécu, où «chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins». Car dans sa logique, ce sont aux besoins sociaux de s’adapter aux moyens accordés par le gouvernement et le Parlement.

Une orientation qui évidemment interdit le droit à la santé pour tous et toutes, ici en Martinique comme ailleurs. Et qui nous indique clairement qu’à défaut d’une mobilisation forte pour l’obtention d’un véritable service public hospitalier, la situation déplorable du CHUM et de l’hôpital public plus généralement chez nous, va se poursuivre, sinon empirer.

Max Dorléans (GRS)