« Biosphère » : quand le hip hop s’empare de la théorie de l’évolution de Charles Darwing

—Par Djamila Farah —

José Bertogal, issu de la scène Hip Hop des années 80 à Paris, après avoir fait des tournées à travers le monde, a posé ses valises sur le plateau de Tropiques Atrium – Scène Nationale, le jeudi 06 décembre dernier. Juste pour un jour avec sa Compagnie Mounka, composé de quatre jeunes danseurs dont un popper martiniquais. Le résultat est éblouissant.

Biosphère, un spectacle pour quatre danseurs. Une virtuosité des corps, une précision et une élégance du geste.

Cette création parcourt l’infiniment petit à l’immensité du monde. Le temps est omniprésent. Chaque rythme, chaque geste est là pour nous rappeler ce temps qui passe très lentement et nous signifier les milliers voire millions d’années du processus de l’évolution des espèces.

Le projet Biosphère est un triptyque portant chacun un titre : « L’alpha », « Sapiens », « l’Omega ». La première partie, « L’alpha », a été créée le samedi 25 novembre 2017 au Centre culturel de Sonis. Ce triptyque traite d’abord du big bang puis de l’apparition de la vie sur terre, des premières cellules, les premières formes de vie terrestre avec les dinosaures et les oiseaux jusqu’à l’homo sapiens.

 Une scénographie épurée

Les danseurs évoluent   sur une scène vide où tout est sombre. La scénographie est laissée à l’appréciation de chaque imaginaire. Seul le corps fait autorité. Le spectateur n’a d’autre choix que de se laisser emporter par la beauté plastique et esthétique de ces corps sur le plateau. Les gestes sont suffisamment explicites pour donner à voir et à comprendre ce qui se joue sous les yeux du spectateur.

La bande sonore composée d’explosions, de cellules rythmiques ostentatoires, marques du temps, et des nappes évoquant l’espace, la nature, la lave volcanique, l’océan ou encore la rivière participent au climax.

Pureté et maîtrise du geste

Le spectateur reste parfois hypnotisé par ces longs et lents mouvements évanescents puis revient au concret par l’imitation, un peu trop malheureusement, d’un batracien, d’un reptile, d’un singe, d’un dinosaure ou d’un oiseau. Toutefois, l’énergie de la danse et l’interprétation virtuose des danseurs, qui se rallient aux fondamentaux du hip-hop, ont littéralement subjugué le public. Leur haut niveau de performance, le professionnalisme affiché durant tout le spectacle, la netteté des corps, la volonté de construire un propos sont autant d’atouts qui font de ce spectacle de danse une fabuleuse réflexion en direction des plus jeunes.

Biosphère, un spectacle de danse en quête de sens ?

Il serait réducteur de dire qu’il ne s’agit que de hip hop. Le spectacle que propose la Cie Mounka, qui explore l’expression des cultures urbaines, avec le souci de choisir des thématiques porteuses de sens, est bien plus que cela. Est-ce à dire pour autant que la cohérence entre le propos, l’intention et la manière de les traduire sur le plateau participent à la dramaturgie du spectacle ?

La dramaturgie en danse, pose question dans le processus de construction d’un spectacle. Elle rejoint la question du sens ou de la signification, de ce qui est donné à voir car dans la danse, même formelle, une dramaturgie peut rendre le mouvement lisible. Certes, la dramaturgie ne peut pas être abordée dans le domaine de la danse, de la même manière que dans le théâtre où elle puise son origine et où le lien au texte est évident.

Dans Biosphère, chaque danseur qui collabore au projet fait partie prenante de ce travail. Sans recette établie, la dramaturgie lié intrinsèquement au mouvement d’ensemble n’existerait pas. Ce qui prend forme au cœur du travail de plateau, ce mouvement d’ensemble gagne à être mieux compris et raconté.

Il est regrettable de constater l’absence de nombre de chorégraphes et danseurs professionnels martiniquais à un spectacle de cette qualité. Est-ce par manque d’intérêt ? Se pose aussi la question de la représentativité des écoles de danses avec leurs élèves, jeunes danseurs en devenir, à ces spectacles ?

Danseurs : Michael Lifla / Mickael Top / Jonathan Colombo / Kenya Stanislas

Lumières: Lilia ARUGA

Un projet soutenu par SoulShine et HIPHOP Sessions (Festival des Cultures Urbaines de Guadeloupe).