— Par Patrick Chamoiseau —
Aux antans de l’esclavage, certains de nos ancêtres Africains disposaient de la faculté d’ordonner à certaines créatures du vivant, notamment à de puissants animaux. Dès lors, ils étaient souvent adoubés comme « bouviers » par le maître esclavagiste qui, malgré ce choix, ne se doutait de rien.
Avec des sons, des mots, de petits chants, ces initiés improbables maîtrisaient les déplacements des troupeaux de bœufs et de taureaux furieux. En créole, on disait qu’ils maniaient lavwa-bef — entendre : la voix-des-bœufs.
En plus des puissances de la Parole, il existe donc celles de la Voix. Elle peut détenir une infinité de forces et de pouvoirs sur la vie, sur la mort, sur la joie… Faire soleil dans une jolie journée ou dans n’importe quelle nuit.
Mèt Viktor Lambert Treffre avait cette puissance-là : une voix sans-manman-ni-papa, chargée d’un lot de sapiences, de fleuves, de graviers et de souvenances anciennes.
An Lavwa.
Un mode de connaissance immédiat et total.
Une grâce et une autorité.
Je l’entends : c’est grand son.
Impériale dans le frisson des filaos montant.
Hors d’atteinte de l’oubli.
Patrick CHAMOISEAU.
Juin 2025.