Arostéguy, que la beauté de l’île nous mène vers le Dieu

— Par André Lucrèce —

Que la beauté de l’île nous mène vers le Dieu, là où le vert devient dense, alors le chant des feuilles se présente à lui dans la fidélité des arbres, semble nous dire le peintre.

Le soleil invité ne nous déçoit pas, il accompagne cette couleur secrète, ce vert qui obsède jusqu’à nos crépuscules. Tout ici nous parle dans la langue du cœur, les canots des pêcheurs lèchent le vent chaud du rivage de l’Anse Latouche d’où on aperçoit la Pelée qui, jadis, a pleuré des laves qui ont dénudé Saint-Pierre. Dans ce tableau, les fleurs de flamboyant, doucement agitées, semblent s’incliner devant la ville, devant le décalogue du Dieu et celui des sirènes.

Arostéguy, par sa peinture, témoigne de ce que la mémoire, devant ce nid de pierres, n’arrive pas à contenir. La poésie du peintre ne se murmure pas, elle martèle compacte la pensée des arbres afin que ses tableaux puissent porter cette puissance qui fulgure dans ce vert brûlant. De même recueille-t-il dans sa peinture l’existence désentravée du végétal qui vient du milieu profond de la terre et qui attend son midi. Cette présence marquée par ce vert spirituel associe cette couleur au soleil afin que resplendisse tout le poids de l’âme.

C’est alors que notre vision s’incline devant cette sève matérialisée tout en simplicité, jamais fastueuse, mais toujours ardente en semences de grâce.

Le visible dans la peinture d’Arostéguy affleure en gestes pieux, captifs dans l’ode à la nature entière de cette simplicité insouciante qui nous donne à voir une nature en lumière certes compacte, mais subtilement détachée d’une activité picturale qui favoriserait le sensationnel au détriment d’une lumière et des reliefs simples choisis par le peintre.

Ce dernier fut aussi sensible aux existences vécues en humilité, celles de ceux qui font avancer les gabarres, celles des casseurs de cailloux, celles des travailleurs aux métiers sans lauriers, celles de ceux dont la vie est imprégnée de misère, celles de ceux qui cultivent la vraisemblance de l’arrière-pays.

Arostéguy met l’art à la source des visages. Il peint la beauté furtive du sourire d’une jeune fille. Il retient ce moment de grâce en légèreté paisible, et la lumière se fera légère en vue de cette malice gracieuse. C’est cette huile sur bois intitulée Jeune fille à la carafe où le visage s’épanouit sur le fond toujours vert en débonnaire rayonnement. Et puis, il y a ces visages d’hommes en plénitude du réel, hommes porteurs d’un consentement taiseux, d’un silence lyrique, d’un regard exténuant de vérité. Arostéguy, dans son mirage humaniste, fut peintre et apôtre d’une religion primitive qui aujourd’hui se voile en modernité.

André Lucrèce

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Le Père Arostéguy, 1887-1956

Un bon basque que ce Père Arostéguy, né à Itxassou le 19 janvier 1887. Après avoir fait ses études primaires à Bayonne et ayant senti très tôt le désir d’être prêtre et missionnaire, il fut confié aux Pères Jésuites qui lui firent faire ses études secondaires dans leur école apostolique de Bordeaux. Il y vit de passage l’un ou l’autre Père Spiritain, aussi demanda-t-il en fin d’études à entrer chez eux. Le directeur donna sur lui de très bons renseignements et il fut admis à faire son noviciat à Orly où il fit sa profession en septembre 1905. Son service militaire accompli et ses études de philosophie et de théologie terminées il fut ordonné prêtre en octobre 1912 et désigné pour la mission de Bata en Guinée espagnole. Il avait étudié l’espagnol et était tout heureux d’aller en Afrique. Il y travaillait, quand la guerre de 1914 fut déclarée, mais il reçut l’ordre de rester sur place. Il continua donc à se dévouer à son apostolat, la vie y était dure et sa santé en pâtit. En 1918, la Congrégation décidait de retirer ses Pères de cette mission de Bata. Le P. Arostéguy regagna la France et voilà qu’à son arrivée il se vit arrêté comme insoumis. Heureusement il fut facile de faire reconnaître son bon droit. Il passa une année de repos en France et ses supérieurs jugèrent bon de l’envoyer non en Afrique mais dans l’île de la Martinique, où il arriva en octobre 1919.

L’adaptation fut facile, après un an dans la capitale, il va comme curé de Ajoute Bouillon. Il était vraiment à sa place dans ce ministère paroissial aussi l’envoya-t-on comme Doyen du Lorrain. Très artiste, aimant la peinture il laissa une belle collection d’œuvres très appréciées partout où il passait. C’est seulement après 18 ans de présence qu’il peut enfin prendre son congé en France. Là aussi dans les communautés qui le recevaient il laissait quelques tableaux.

De retour à la Martinique, curé de Ste Thérèse, et en 1942 supérieur principal des Spiritains de l’Ile, il remplira cette fonction jusqu’en 1953, après quoi il fut considéré comme à la retraite, mais pour lui la retraite était encore très active, en particulier comme aumônier du collège des Sœurs de St Joseph de Cluny.

Plusieurs fois au cours de ses conversations le Père Arostéguy avait exprimé la crainte de vieillir en étant à charge aux autres. Il a été exaucé, car il est parti en deux heures sans bruit. Sorti avec sa voiture, qu’il conduisait encore, il fut pris de malaise mais put de justesse regagner sa communauté. Là il fallut le transporter d, urgence à la clinique St-Paul. Il y est décédé d’un infarctus le 8 novembre 1956. Ses obsèques furent célébrées en l’église Notre Dame de Bellevue. Son évêque Mgr de la Brunelière, qui avait été son vicaire au Lorrain, donna l’absoute.

Il avait réalisé sa vocation missionnaire et le journal de l’Ile parlant de son décès l’intitulait : « Une belle vie sacerdotale. »

Source : Spiritains-Forum

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