« Adam et Vénus », texte et m.e.s. d’Alain Foix : une déception!

— Par Roland Sabra —

Le 21 septembre 2001 à Londres, sur la Tamise « bout de bois d’ébène flottant au fil de l’eau… » est découvert. Il s’agit du cadavre démembré d’un enfant noir juste vétu d’un short orange. Une enquête est ouverte pour retrouver l’identité, et de la victime et du criminel. Mais qu’est-ce que l’identité ? A partir de ce fait divers Alain Foix va construire « Adam et Vénus » d’abord sous la forme d’une pièce de théâtre, puis sous la forme d’un roman, démarche un peu originale qui va à rebrousse poil du parcours habituel de l’adaptation théâtrale.

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Après de nombreuses lectures, quelques mises en espaces, une réécriture romanesque, il présentait en création mondiale, à Fort-de-France la mise en scène de ce texte qui a été pour lui le point de bascule à partir duquel il a pu se dire écrivain. Reconnaissance à laquelle l’immense Antoine Bourseiller, acteur, auteur et metteur en scène, directeur de théâtre et d’opéra a contribué en « tombant amoureux » de ce texte et qu’il voulait mettre en scène. Sa mort en 2013 ruina ce projet et mit fin à une collaboration initiée quelques années plus tôt et qui permis aux foyalaises et foyalais de voir « Pas de Prison pour le vent«  en mars 2006. On l’aura compris la gestation de ce travail théâtral aura été longue et sinueuse, à l’image d’Alain Foix, docteur en philosophie, directeur artistique d’établissements artistiques et culturels , il a notamment dirigé la scène nationale de la Guadeloupe de 1988 à 1991, il est aussi documentariste et consultant, journaliste et critique de spectacles etc. Il est tout ça à la fois et bien plus encore. C’est à la fois sa force et sa faiblesse.

La lecture du roman « Adam et Vénus » se fait lentement, avec des pauses, des retours en arrière, des reprises de souffle, des échappées vers le dictionnaire pour se remémorer qui étaient ces personnages des mythologies grecques, bibliques et africaines mis en correspondances. Il faut quelques fois même avoir recours à un manuel d’anatomie médicale. La poésie de la phrase, son rythme, l’esthétique lumineuse et la quête humaniste qui s’en dégagent sont portés par la danse des mots. Loin de tout essentialisme Alain Foix, s’il est à la recherche d’identités premières, évite des les substantiver. La quête prend la forme d’une enquête policière, identitaire et mystique. Aérée au grand vent dans la dimension du roman elle étouffe dans l’espace-temps de la représentation théâtrale. La première heure souligne avec justesse le processus d’ objectivation, de chosification qui résulte des discours, qu’ils soient d’origine scientifique ou obscurantiste tous tendent à confirmer que le « mot tue la chose », que les productions discursives ont pour objet la réduction de l’altérité ou tout au moins son enfermement dans une grille interprétative. L’enquête de restitution de l’identité du corps mutilé ne le considère jamais le sujet qu’il a pu supporter mais le réduit toujours à l’état d’objet d’études, de conjectures, voire de plaisanteries comme système de défense devant l’horreur. La figuration d’un documentaires sous la forme d’une adresse des personnages à une caméra, avec ses coupes et ses prises répétées illustre avec justesse la mise à distance du cas. Alain Foix aurait pu s’en tenir là. Mais l’idée de limites doit lui être insupportable. Et la deuxième heure est longue et parfois confuse. Le rythme déjà brisé par la multiplication des points de vue, intéressante en elle-même, sombre avec la manipulation d’un objet scénique omniprésent, un parallélépipède blanc et transparent, à la fois, bureau, comptoir, cage, table de dissection etc. dont le déplacement exige le plus souvent l’intervention de techniciens de plateau  et qui plombe définitivement le propos. Une partie de la salle pique du nez.

Adam et Vénus se présente comme une pièce de jeunesse, elle en a le foisonnement et la lourdeur, ceux du bon élève qui veut montrer toutes ses potentialités et qui à vouloir trop dire brouille son message. Cela fait peine à dire mais si la lecture de la pièce et/ou du roman est un plaisir la mise en scène est un ennui. Elle balance dans un entre-deux ou trois, entre mise en espace, opéra, drame musical avec, il est vrai une belle bande-son. Le théâtre est le grand absent de cette représentation en dépit des talents vite repérables parce qu’affirmés des comédiens et de la comédienne. Alain Foix par le passé a fait preuve de réussites incontestables qu’il s’agisse de « Pas de prison pour le vent », « Le ciel est vide », « La dernière scène ». Ne lui en déplaise on oubliera vite « Adam et Vénus ».

Fort-de-France, le 17/03/2017

R.S.

 

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Texte & Mise en scène : Alain Foix
Avec : Virginie Emane, Jean-Claude Bourbault, Thomas Chabrol.
Musique originale : Patrick Marcland
Vidéo : Nelson Foix
Lumière : Eugénie Marcland