Jeudi 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a donné son feu vert à la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, ainsi qu’à la loi organique relative à son organisation institutionnelle. Saisi mi-juillet par des parlementaires de gauche, opposés notamment à certaines dispositions du volet migratoire, le Conseil a jugé les textes globalement conformes à la Constitution, malgré quelques réserves d’interprétation.
Présentée par le gouvernement comme une réponse aux multiples crises que traverse Mayotte — aggravées par le passage du cyclone Chido en décembre 2024 — cette réforme vise à restructurer profondément le territoire, tant sur les plans juridique, social, institutionnel que sécuritaire.
Une loi justifiée par les « caractéristiques et contraintes particulières » de Mayotte
Au cœur des débats : les mesures de durcissement en matière d’immigration, contestées par des députés socialistes, insoumis et écologistes, qui les estimaient contraires aux principes d’égalité et de protection de l’enfance.
Le Conseil constitutionnel a cependant estimé que la situation migratoire de Mayotte — marquée par une forte proportion de résidents étrangers, dont beaucoup en situation irrégulière — constitue bien une « contrainte particulière » au sens de l’article 73 de la Constitution, qui permet des adaptations législatives spécifiques pour les territoires ultramarins.
Immigration : un durcissement validé sous conditions
Plusieurs mesures sensibles ont ainsi été validées :
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Conditionner l’obtention d’un titre de séjour pour un parent étranger d’enfant français à une entrée régulière sur le territoire.
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Retrait du titre de séjour d’un parent dont l’enfant serait considéré comme une menace à l’ordre public.
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Placement en rétention de mineurs accompagnant un adulte étranger expulsable.
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Centralisation des reconnaissances de paternité à Mamoudzou pour lutter contre les fraudes.
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Fin de la possibilité d’obtenir un titre de séjour en cas d’entrée illégale, même si l’on est parent d’un enfant français.
Néanmoins, les « Sages » ont posé deux réserves importantes :
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L’État devra délivrer un visa de long séjour aux parents étrangers d’enfants français mineurs vivant en France, sous conditions.
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Les nouvelles règles ne s’appliqueront pas rétroactivement.
️ Habitat informel : vers une politique de tolérance zéro
Autre axe majeur du texte : la lutte contre l’habitat informel, très répandu dans l’archipel.
Désormais :
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Les logements précaires ne seront plus considérés comme « normaux », excluant leurs occupants du droit au regroupement familial.
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L’administration pourra, jusqu’en 2034, procéder à la démolition de bidonvilles sans obligation de relogement, si elle prouve son incapacité matérielle à proposer une solution, notamment à cause des destructions liées au cyclone Chido.
Le Conseil a validé également la possibilité d’interventions ciblées de la police judiciaire dans les zones d’habitat informel pour lutter contre le travail illégal, sous encadrement strict.
️ Une réforme institutionnelle actée
Sur le plan institutionnel, la loi organique validée prévoit la suppression du Conseil départemental, remplacé par une Assemblée unique de Mayotte, composée de 52 conseillers élus dans 13 sections.
Le Conseil a jugé cette réforme conforme, estimant qu’elle respecte le pluralisme politique et l’égalité devant le suffrage, malgré la critique de certaines disparités entre sections électorales.
Une réforme saluée par le gouvernement
Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a salué une « validation majeure » qui permet désormais d’engager pleinement la refondation du territoire. Selon lui, cette réforme constitue un « texte historique », articulé en trois étapes : urgence, reconstruction et refondation, mobilisant près de 4 milliards d’euros sur six ans.
« Nous devons avancer sans délai. Nous le devons aux Mahoraises et aux Mahorais », a-t-il déclaré, en insistant sur la nécessité d’une mise en œuvre rapide et planifiée des nouvelles dispositions.
En résumé
✔️ Mesures migratoires renforcées
✔️ Encadrement strict de l’habitat informel
✔️ Nouvelle assemblée territoriale
✔️ Application encadrée par la Constitution
Le cap est désormais clairement fixé pour Mayotte : un territoire en pleine reconstruction institutionnelle et sociale, confronté à des défis majeurs, mais désormais doté d’un cadre législatif renforcé pour y répondre.