Slam et beatbox au Cap Excellence Théâtre.

Guadeloupe Cap Excellence Théâtre 2016

refugies_poetiques— Par Roland Sabra —

Pour beaucoup c’était une découverte. Une belle découverte. Ils sont deux sur scène. D’emblée ce qui s’affirme, ce qui s’impose c’est une voix. Forte, puissante et claire dans son phrasé. Ensuite c’est la source de cette voix. Un petit bout d’être, peau claire légèrement basanée, cheveux serrés entre foulard et bandana, jean’s qui tombe sur des running shoes, t-shirt recouvert d’un gilet sans manche, le tout dans des tons sombres. Délicieusement androgyne, le personnage « slam » entouré d’une baraque sans ambiguïté aucune qui l’accompagne comme beatbox. Corneil, il s’appelle. Très vite la question du genre s’envole. On ne retient que la voix et les poèmes urbains, la beauté des images, les raccourcis saisissants, les envolées électriques, les jeux sur la langue, la rage de vivre, l’appel à la naissance d’un autre monde dans l’entre deux des rimes lancés au public comme une offrande. Un image s’impose : celle d’une mère en héritage de voix et gabarit : Piaf ! La gouaille est la même, le format est le même, la puissance de la voix est la même. L’entre deux du genre, assumé et cultivé est comme un reflet des déterminations culturelles multiples qui la construisent, elle, cette héritière de la chanteuse de rue que la belle Edith n’a jamais cessé d’être. Elle, donc, c’est Myriam Baldus, guadeloupéenne revendiquée, qui a grandi dans la banlieue de Lyon du coté de Rillieux-la-Pape. Et ce sont les gamins de la rue, ceux des cités qui venaient lui tendre des bouts de papiers sur lesquels étaient jetés quelques vers qu’ils soumettaient à son avis : « dis,ça c’est bon ? ». Ses textes à elle, elle les gardait en mémoire, sans traces écrites. La flamme de l’impro brûlait en elle.

Le slam ? Elle le découvre un peu par hasard : «  Sur les conseils insistants d’une collègue, j’ai participé à un concours de poésie organisé par la Ville. C’était la première fois que je racontais mes états d’âmes sur un bout de papier. Un bout de papier qui m’a valu le 2e prix du jury et une interprétation de mon texte par des comédiens. A ce moment-là, une personne du public m’a dit : ce que tu fais, c’est du slam. Par pure curiosité, je suis allée assister à des spectacles dans des bars lyonnais jusqu’au jour où j’ai eu le cran de m’inscrire pour déclamer un texte, face au public. Malgré le trac, je suis parvenue à aller jusqu’au bout et ma prestation a fait mouche dans l’assistance ».

Depuis elle ne s’interdit rien. Elle revisite Stravinsky et son mimodrame « L’histoire du soldat », Brassens dont elle fait entendre une « Marinette » de banlieue délicieusement drôle, elle rend un bel hommage à Barbara dans « Solitude » qu’elle créolise par petites touches. Avec son compère Corneil, le beatbox, elle joue de l’opposition, de la complicité, du désir partagé. Le succès croissant, les demandes de prestations s’accumulant ils ont fondé une association, « Les réfugiés poétiques », pour répondre aux sollicitations, pour mettre de l’ordre dans la spontanéité, sans pour autant la mettre en chaînes.

Si la dénomination du groupe, patronymes ou nom de l’association, hésite encore, le talent, lui, est certain.

R.S.

Pointe-Pitre, le 05/05/2016