« Nus descendant l’escalier #5 » Transgression? Vous avez dit transgression?

11 mai 2016 à  19h 15 Hall de Tropiques-Atrium

gueredrat_tauliaut_nus-2En ouverture de la Biennale de Danse Martinique 2016 les performeurs Annabel Guérédrat & Henri Tauliaut reprennent dans un cinquième épisode « Nus descendant l’escalier ». La performance a lieu au « Tropiques-Atrium » mercredi 11 mai 2016 à 19 h 15 Au delà du titre elle  est est bien plus qu’un clin d’œil à l’œuvre « Nu descendant un escalier n° 2 » de Marcel Duchamp qui fit scandale (voir ci-après) et dont on estime aujourd’hui qu’elle est la pierre de touche à partir de laquelle va émerger l’art contemporain. Sans vouloir diminuer le talent de nos artistes martiniquais soyons sûrs que la descente de l’escalier de « Tropiques – Atrium » ne sera pas le point nodal de création d’un mouvement artistique comparable. Le but recherché est plus modeste mais non pas sans intérêt puisqu’il se veut être l’origine d’un  futur festival de performances qui devrait voir le jour en avril 2017⋅

L’art performance s’origine dans la première moitié du siècle dernier et puise ses sources dans  futurisme, le dadaïsme, le surréalisme et l’école du Bauhaus. Le futurisme, soit dit en passant n’était pas la tasse de thé de Duchamp. Cela étant la performance est une pratique artistique interdisciplinaire qui mêle les disciplines les plus variées et diverses possibles. Si par essence elle a à voir avec l’éphémère elle peut être réitérée comme le montre cette cinquième version à « Tropiques-Atrium » après celles  de Terreville à Schoelcher, du Memorial Act et du cimetière de Morne-à-l’eau en Guadeloupe puis de New-York en mars de cette année. Cette reproductibilité de l’œuvre d’art si elle n’en fait pas un ready-made peut néanmoins être interrogée si on garde en mémoire la critique politique, sociale et artistique contenue dans l’émergence de l’art performance : dénonciation de la reproduction en série d’images éphémères et évanescentes, refus de la marchandisation de l’œuvre d’art. Il peut paraître cocasse que sa consécration, son institutionnalisation, ne serait-ce que sous la forme d’un Festival la conduise à s’inscrire dans l’histoire des Arts et pour tout dire dans une tradition dont elle se voulait la critique sévère, celle, in fine, des Beaux-Arts !

Quoi qu’il en soit Annabel Guérédrat en interrogeant dans «  Nus descendant l’escalier » l’ensemble des rapports de domination et notamment ceux qui règnent dans les couples quelque soit leur agencement genré, réactualise le lien entre performance et féminisme si présent dans les années 70 du siècle dernier. Le Mouvement des femmes dans l’approche du corps comme fabrication, comme outil de marquage social mais aussi comme instrument de perception de soi, comme connaissance, témoigne dans la performance de ce qu’il en est de la pratique éphémère, de l’engagement, de la dématérialisation, de la subjectivité.

R.S.

le 10/05/2016

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Nu descendant un escalier n° 2 est un tableau de Marcel Duchamp peint en janvier 1912. Il fit scandale lors de son exposition à l’Armory Show de New York en février-mars 1913, mais consacra la gloire de Marcel Duchamp et marqua le début de l’art moderne aux États-Unis.
Marcel Duchamp entame la composition de cette toile en novembre 1911, alors qu’il travaille au milieu d’une communauté d’artistes, le groupe de Puteaux : il commence par une série d’esquisses, et finit par livrer deux versions. C’est la seconde, la plus aboutie, qui fut exposée. Elle porte la marque d’une transition stylistique, Duchamp étant attiré par le cubisme et les expériences futuristes. À Puteaux, il est aux côtés entre autres d’Albert Gleizes, de son frère Raymond Duchamp-Villon, deux artistes dont les travaux sont marqués par le cubisme. Comme source possible du motif principal — une femme nue descendant un escalier —, se trouve être un poème de Jules Laforgue1.

Ce tableau de Duchamp n’est pas le premier au monde à exprimer la décomposition du mouvement : en effet, et à titre d’exemple, un tableau comme Il Lavoro (ou La città che sale), d’Umberto Boccioni fut présenté au public à Milan à la Mostra d’arte libera2 à partir du 30 avril 1911.

Le Nu descendant un escalier n°2 est exposé pour la première fois au Salon des indépendants à partir du 20 mars 1912 : le jury, composé entre autres de Gleizes, Jean Metzinger, Henri Le Fauconnier et Fernand Léger, n’apprécient pas cette toile, qui ne correspond pas selon eux aux canons esthétiques du cubisme, et la retirent des cimaises. En France, le tableau fut exposé pour la dernière fois lors du salon de la Section d’or en octobre.

Duchamp est sollicité par les organisateurs américains d’une grande exposition internationale d’art : en février 1913, le Nu, accompagné de trois autres pièces, est exposé à l’Armory Show : le 5 mars, Frederic C. Torey, marchand d’art de San Francisco, l’acquiert pour 324 dollars, grâce à Walter Pach ; ce dernier réussit à faire que la toile soit revendue au collectionneur Walter Arensberg six ans plus tard. Elle demeura donc aux États-Unis, après qu’elle a été exposée à Chicago et Boston (mars-mai 1913)3.

Aujourd’hui, elle figure dans les collections du Philadelphia Museum of Art.

Nu descendant un escalier : le titre du tableau confère à l’œil humain la vision d’une silhouette descendant un escalier. Cependant, il reste très difficile ici de cerner un nu, qu’il soit féminin ou masculin. Les formes humaines semblent être composées de prismes juxtaposés, décomposant un mouvement de descente d’escalier qui débute en haut à gauche pour se finir dans le coin en bas à droite de la toile. Aucun environnement, aucune profondeur, aucun aménagement de plan ne nous permettent de situer une scène où un personnage anonyme et asexué est censé descendre (plutôt que monter) un escalier qui débute on ne sait où pour finir nulle part. Seul le travail sur un dégradé de couleurs peut susciter une émotion visuelle.

Suggérant un nu, non anatomique mais artistique, cette œuvre de Marcel Duchamp met le spectateur en face d’une représentation qu’il connaît d’instinct, ne suscitant chez lui aucun intérêt. Cependant cette œuvre lui donne une vision décomposée du mouvement humain qui peut être confondu avec celui d’une simple machine.

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Woman Walking Downstairs (1887), étude photographique composée par Eadweard Muybridge, citée par Duchamp lors d’un entretien

L’évolution technologique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle suscite dans les mentalités un mépris de l’homme pour l’homme qui est considéré comme un objet, une sorte de robot qui répète sans cesse les mêmes mouvements – dont on peut décomposer les attitudes et analyser le fonctionnement. On parle alors de déshumanisation. La démarche du peintre est donc ici à visée philosophique. Elle permet de remettre en cause la nature même de l’être humain et de ses rapports avec le monde qui l’entoure, grâce aux fonctions de communication et communion que permet l’art. L’œuvre est donc une contestation significative de l’auteur…

Propos de l’artiste
Woman Walking Downstairs (1887), étude photographique composée par Eadweard Muybridge, citée par Duchamp lors d’un entretien4.

Marcel Duchamp distingue deux états de son œuvre. Il déclara au sujet de la deuxième version5 :

« Cette version définitive du Nu descendant un escalier, peinte en janvier 1912, fut la convergence dans mon esprit de divers intérêts, dont le cinéma, encore en enfance, et la séparation des positions statiques dans les chronophotographies de Marey en France, d’Eakins et Muybridge en Amérique.

Peint, comme il l’est, en sévères couleurs bois, le nu anatomique n’existe pas, ou du moins, ne peut pas être vu, car je renonçai complètement à l’apparence naturaliste d’un nu, ne conservant que ces quelque vingt différentes positions statiques dans l’acte successif de la descente.

Avant d’être présenté à l’Armory Show de New York en 1913, je l’avais envoyé aux Indépendants de Paris en février 1912, mais mes amis artistes ne l’aimèrent pas et me demandèrent au moins d’en changer le titre. Au lieu de modifier quoi que ce fût, je le retirai et l’exposai en octobre de la même année au Salon de la Section d’or, cette fois sans opposition. (…)

Je me sentais plus cubiste que futuriste dans cette abstraction d’un nu descendant un escalier : l’aspect général et le chromatisme brunâtre du tableau sont nettement cubistes, même si le traitement du mouvement a quelques connotations futuristes. »

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