« L’Étoile absinthe » : plongez dans Jacques Stephen Alexis !

« Bondissant sur ses jambes, l’Églantine va s’arc-bouter au grand mât et, aux lueurs fulgurantes, apparaît son visage diaboliquement radieux et ses grands yeux écarquillés. Les rires délirants de la mer et du ciel entourent sa joie vierge. »
La Niña Estrellita, reine du Sensation Bar, héroïne sublime de l’Espace d’un cillement, a tourné le dos, sans roulement de hanches, à sa première vie, à son amour dévorant pour El Caucho. La revoilà Églantine, dans une pension à la quinzaine, en quête de rédemption. Célie, résidente des lieux, a du caractère et de belles perspectives : c’est dans le sel qu’il faut investir. Les deux associées de fortune affrètent un voilier, le Dieu-Premier, pour rejoindre la Grande-Saline. Mais c’est la tempête. Une tempête de tous les diables et de tous les dieux vaudous…
Roman convulsif, secoué d’apocalypse, L’étoile Absinthe brûle d’une cohue d’images où les éléments, les sens, tout est exacerbé. Le voici tel qu’il nous est parvenu par miracle – inachevé : son auteur avait à faire ailleurs, dont il n’est pas revenu vivant. Il faut lire Jacques Stephen Alexis.

Jacques Stephen Alexis

Jacques Stephen Alexis est né le 22 avril 1922 à Gonaïves. Il meurt à trente-neuf ans, en avril 1961, assassiné à son retour en Haïti. Entre-temps, il vit la grande vie amoureuse et intellectuelle à Paris (Aragon, Breton, le premier Congrès des écrivains et artistes noirs…), devient médecin neurologue, voyage à travers le monde, rencontre Khrouchtchev, Hô Chi Minh, Mao, se lie d’amitié avec Che Guevara, et publie quatre chefs-d’œuvre qui font de lui la figure de proue de la littérature haïtienne contemporaine – et bien au-delà. Un écrivain culte.

L’étoile Absinthe
12,5 x 19 cm • 160 pages
ISBN 978-2-84304-788-6
17,50 € • Paru le 09/02/17

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— Par Valérie Marin la Meslée —
Ce roman inédit d’un père de la littérature haïtienne est un trésor. Sa fille le présente ce mercredi soir à la Maison de l’Amérique latine à Paris.

« Le soleil de la Caraïbe est un oiseau infrarouge, un grand oiseau miraculeux qui fait le cirque au mitan du ciel, se corne lentement, puis s’abat, furieux, torride, pluie de plumes et d’éclairs. » Entrez dans L’Étoile absinthe, ce livre que vont aimer les lecteurs du Grand Marin de Catherine Poulain parce qu’il décrit, comme on ne l’a jamais lu, un combat des corps et des âmes contre la mer déchaînée, la quête ou la reconquête de soi dans le tumulte. Ce livre que vont aimer les lecteurs avides de littérature dense, baroque, qui vous emporte au grand large et vous envoie des phrases en rafale, apothéoses d’images inoubliables. Ce livre que vont aimer ceux qui découvriront avec lui, et même s’il s’agit d’un manuscrit inachevé, l’écriture d’un père de la littérature haïtienne, et du merveilleux réalisme caribéen, Jacques Stephen Alexis (1922-1961). Et, pour ceux qui ont lu son roman le plus connu, L’Espace d’un cillement (1959), qui fit d’une prostituée cubaine du Sensation bar, bordel de Port-au-Prince, un personnage de légende, L’Étoile absinthe signe le retour de l’éternelle Nina Estrellita. La revoici dans la capitale haïtienne, baignée d’une lumière inquiétante que traduit l’incipit ci-dessus.
Prostituée cubaine

La jeune femme est la rescapée des nuits chaudes de la capitale haïtienne et de son grand amour avec El Caucho du précédent roman. Mais ici, elle réapparaît sous son véritable nom, Eglantine Covarrubias y Perez, en gage de rupture avec sa vie de prostituée. « La Nina est morte ! L’Églantine s’en va. » À partir d’une petite somme mise de côté, l’Églantine investit dans le commerce de sel, associée à une femme de tête qui lui a proposé l’affaire. Tout s’est négocié entre elles dans le décor de la petite pension Colibri où l’héroïne a posé ses bagages et sa solitude, où elle tangue entre sa lassitude de vivre et son désir – et devoir – de tout recommencer. Les deux femmes embarquent à bord d’un bateau qui s’en va chercher la cargaison jusqu’à Grande Saline. Une aubaine, mais la navigation…

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